La civière
LA CIVIÈRE
J’étais porion.
Nous arrivions dans le dernier tronçon. Les ouvriers foudroyaient.
Il y avait des règles que je faisais respecter : toujours avoir un chemin de repli, toujours mettre un pilot de cassage, cet étançon supplémentaire qui garantissait notre sécurité.
Nous utilisions également des chaînes pour diriger la chute de l’étançon. Tout devait tomber côté boisage.
Mon copain marocain devait foudroyer le dernier étançon. Je le voyais. Il se positionnait dans la dernière rangée boisée et il frappait sur la clavette de l’étançon à enlever.
Mais, la faute à pas de chance… Le câble de sa lampe s’est pris dans une autre clavette. Sa barrette est tombée. Il était prisonnier, retenu par le câble. Une plaquette s’est décollée du toit et l’a frappé sur la nuque.
Avec d’autres, j’ai pris une civière. Le passage dans la taille était étroit, ardu. Il fallait vite rejoindre l’ambulance dans la bowette. Un homme a trébuché dans la descenderie. La civière a basculé. Mon copain Ahmed est tombé.
Quand je l’ai déposé dans la berline ambulance, il a rendu son dernier souffle. J’ai repris la civière. Je me suis soumis aux interrogatoires de l’ingénieur, du représentant du service des Mines et du Délégué-Mineur.
Je venais de perdre un copain.
Julien LEHUT, ancien porion,
(avec la complicité de Florence MINI)