Le menuisier
Le menuisier
Souvenir de mon père André Callens
« Mon fils ne sera pas mineur !», c’est ce qu’a déclaré de manière imparable mon grand-père à son porion lors de la visite d’embauche de son fils André. Mon grand-père était mineur abatteur. Depuis l’âge de 12 ans il travaillait à la mine, d’abord dans les mines du Boulonnais, puis à Liévin quand elles ont fermé. Il n’avait pas eu d’autre choix, arrivé des Flandres Belges à 10 ans, il avait très peu fréquenté l’école et parler le flamand comme langue maternelle avait été un autre handicap. Son fils avait un autre parcours, il aurait un autre avenir que le sien.
Pourtant ce jour-là, sans conviction, André se faisait embaucher à la mine. Peu motivé par l’école, fatalement, il suivait le chemin de son père après le certificat d’études.
Mon père avait quatorze ans quand il commença comme « galibot » en partageant le quotidien des Mahuts, ces femmes qui triaient le charbon des autres gravats. Elles étaient réputées pour leur gouaille et leur comportement un peu salace quelquefois. Les histoires liées au bizutage des petits nouveaux glaçaient mon père. On racontait qu’elles aimaient leur « passer la visite » : elles les déculottaient et leur enduisaient les fesses de charbon.
Le jour où Jeanne, la plus ancienne lui lança en riant un caillou sur la main, tout son être se crispa. Il comprit que ça allait être son tour… Alors dans une pulsion de défense, il renvoya le caillou qu’elle reçut dans un cri sur le dos de la main. Les injures et des noms d’oiseaux fusèrent, mais les Mahuts lui laissèrent finir le poste en paix.
Alors que son avenir semblait être tracé dans la morosité, la chance lui sourit. Les Houillères avaient besoin d’autres corps de métier manuels. Elles proposèrent divers apprentissages … André choisit la formation de menuisier, heureux enfin du virage que prenait son avenir, très heureux de quitter si vite les Mahuts.
Martine Dreux-Callens, petite-fille de mineur