Pierzena, czernina, pempek et kruszenki
Pierzena, czernina, pempek et kruszenki
J'ai retrouvé, au grenier, une pierzena rangée dans la vieille garde-robe de mes parents, les souvenirs me reviennent...
C'est l'été ou l'hiver, qu'importe ! A chaque quinzaine, un Monsieur à chapeau, commerçant juif polonais courbé sous son baluchon, passe dans les corons. Très gentil, il tutoie tous et chacun. Quel bagou ! A la maison, les portes sont toujours ouvertes! Qu'il fasse chaud ou froid, on lui offre une goutte de jus. A l'heure du repas, il partage notre table.
Son baluchon, c'est une malle aux trésors. Elle est bourrée de tissus damassés blancs tissés très serré. Maman y confectionnera des housses d'oreillers en plumes d'oie, si légères et si chaudes. Elle réalisera aussi la « pierzena » , l'édredon rouge des polonais qui ne laisse pas passer les plumes.Cette enveloppe qui servira à la confection de parures de lit attendra l'hiver pour être garnie.
En achetant ces carrés de tissus, maman sait qu'elle ne restera jamais inactive! Elle pourra coudre, tricoter ou broder encore et toujours. Ces housses d'édredons et les taies d'oreillers seront ensuite, bouillies, amidonnées et repassées avec grand soin.
Je la regarde admirative. J'ai six ans.
Maman m'apprend par la même occasion à repriser les chaussettes ou à coudre un bouton. Déjà!
Peut-être prépare t-elle aussi mon trousseau de jeune fille à marier qui comptera draps, parures, torchons, serviettes et nappes. Comme le sien.
Cette pierzena, c'est une affaire de famille, tradition polonaise oblige!
La pierzena
Tout commence au poulailler.
Je revois mon père s'affairer au fond du jardin de la maison de la cité du Maroc à Méricourt.
L'heure est venue pour ces très bruyantes « belles dames blanches »!
Je les ai nourries, de temps en temps, elles m'ont pincé les fesses, je me suis attachée à elles, mais qu'importe! Elles n'ont pas le temps de souffrir, les gestes de mon père sont sûrs.
Déjà, il récupère le sang pour confectionner la czernina, cette soupe au sang dont les polonais raffolent.
Quant aux plumes et duvet, c'est une histoire de femmes qui commence dés le début de la vie de l'oison avec la récupération de son duvet gardé précieusement dans un sac de toile.
Puis vient le temps de la récupération du duvet implanté à la base des plumes.
Alors, une longue histoire commence, presque une cérémonie !
J'attends avec impatience ces longues soirées d'hiver.
Autour de la table, les voisines et amies de la maison se regroupent dans une ambiance feutrée. Foulards sur la tête, vêtues d'un tablier qui sert à récupérer les rebuts, leurs gestes sont mesurés.
J'ai tout le temps d'écouter et de regarder. Les mains prennent par poignées entières les plumes formant un mont au centre de la table. Tirant dans un sens précis, de haut en bas, elles récupèrent le duvet. Il est si léger qu'il vole. Il se niche dans les cheveux, sur les cils, entre dans les narines. Pas question de faire le moindre courant d'air, de tousser ni d'éternuer.
Mon père se tient à l'écart, près du poêle ronflant. Il écoute de la musique et tire sur sa cigarette. Lentement la housse se gonfle et la pempek s'annonce. Pempek, ça veut dire nombril en polonais, mais c'est aussi le moment où maman fait un nœud à la housse quand elle est bien gonflée.
Alors commence le temps du repas de fête ! Ce soir là, c'est choucroute, beignets fourrés à la marmelade de prune et gâteau polonais avec ses Kruszenki qui ont des allures de crumble.
C'est la fête, mais déjà il est temps de décider chez qui se passera le prochain rituel.
Nicole SZYMANSKI et sa pierzena à la soirée "Gosse de mineur en 2018"
Nicole Szymanski, fille de mineur