Tonton Emile

 TONTON ÉMILE : MINEUR AU FOND ET JARDINIER EN SURFACE 

A Sars-et-Rosières, qui ne connaissait pas mon oncle Emile, le toujours souriant ouvrier mineur du n° 4 de la rue du Plat d’Argent, devenu jardinier bénévole pour passer sa retraite ?

Natif de cette commune en mars 1905, il travaillait à la mine, comme l’ont fait plusieurs de mes oncles et cousins de cette partie du Hainaut. Il descendait à la Fosse Agache de Fenain où il manœuvrait à longueur de poste son lourd marteau-piqueur pour extraire le charbon qui allait alimenter les locomotives à vapeur, les centrales électriques, etc… ainsi que les cuisinières, dont celle qui chauffait sa maison et permettait à Tante Léa, son épouse, de faire cuire les repas pour leur nombreuse famille.

Mais, à Sars-et-Rosières, qui a entendu une seule fois Tonton Emile se plaindre des difficultés de son travail ou de la vie ? Personne ! Pourtant, et si (contrairement, hélas, pour trop de mineurs) la mine ne lui a pas pris la sienne, à l’instar de beaucoup d’autres il y a vécu l’accident de trop qui faillit la lui enlever ! Ce fut même à un point tel que sa Direction décida de l’affecter au jour… au grand soulagement de Tata Léa qui savait qu’elle n’aurait plus à scruter le portillon du jardin, dans cette rituelle attente, si pénible et tellement insupportable pour chaque femme et chaque maman de mineur de fond…

La retraite arrivée, Tonton Emile s’occupait davantage de son jardin, celui qui était devant la maison et où chacun était sûr de le voir tant que la nuit n’était pas tombée ou qu’il ne faisait pas la sieste après le repas du midi. Mais il ne s’en tenait pas là, entretenant régulièrement celui d’un voisin et poussant jusqu’au village suivant pour y faire celui de sa sœur, la bêche ficelée à la barre supérieure du cadre de son vélo. C’est ainsi qu’entre Sars-et-Rosières et Saméon, un badaud un peu éméché aurait pu apercevoir Don Quichotte sur Rossinante, lance pointée droit devant… enfin presque, car les pavés de l’époque étaient ceux du fameux Paris-Roubaix.

Parfois, au printemps, quand il les avait tous retournés, il prenait son loucher et le train pour venir remuer notre terrain qui jouxtait le mur des remparts de Lille. Pour la fratrie de ma mère, nous habitions la capitale du Nord, et donc nous étions les Parisiens de la famille. Ouais ! Des bourges qui, en 1950, n’avaient pas l’électricité, devaient prendre l’eau à la pompe de la cour des Innocents (je ne l’invente pas), et vidaient les latrines familiales (quel luxe !) presque tous les ans sur leur jardin. Mais, pour cet homme si simple que mes parents appréciaient, c’était un honneur et un plaisir de pouvoir jardiner « chez les Lillois »… 

Tonton Emile s’en est allé en avril 1980. Je garde de lui le souvenir d’un homme bon, généreux, et si courageux qu’il passa sa vie à creuser. C’est peut-être pour cela que, quand je pense à lui, je l’imagine tenant un pic ou une bêche, mais toujours avec le sourire aux yeux !

Pierre OMBROUCK pour l'APPHIM

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Fosse Agache à Fenain (Groupe de Valenciennes) où tonton Emile abattait le charbon. (coll.APPHIM)

Tonton Emile dans son jardin avec l’aînée de mes neveux et nièces vers 1954/55. (coll.P.O.)

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Date de création : 28/01/2016 17:13
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Enfants de mineurs
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