L'habitat minier en NPDC conf Mineurs du monde
L’HABITAT ET LE PATRIMOINE MINIER EN NORD/PAS-DE-CALAIS.
Conférence de Mineurs du Monde 18 / 06 / 15 LENS
Beaucoup de monde comme d’habitude à la conférence-débat de Mineurs du Monde consacrée à l’habitat minier et à sa rénovation et qui a eu lieu à la Faculté Jean Perrin de LENS le 18 juin 2015. Pour l’occasion, Christian MORZEWSKI avait invité Raphaël ALESSANDRI, architecte urbaniste, Directeur d’études à la Mission Bassin Minier, qui a fait un remarquable exposé sur l’historique des corons et sur les enjeux environnementaux et économiques de leur préservation pour la région.
Quelques chiffres
- 120000 logements ont été construits dans 700 cités minières par les Compagnies et par les HBNPC.
- 73043 logements existent encore aujourd’hui dans 563 cités, cela représente une surface habitable de 3376 ha répartie sur 138 communes du Bassin Minier qui s’étire sur 120 km d’AUCHEL à VALENCIENNES.
- 26000 logements de 124 cités sont inscrits au patrimoine de l’UNESCO.
- Le coût moyen de la rénovation d’un logement est d’environ 40000 € (maison uniquement) mais cette facture unitaire s’élève à 80000 € si on intègre l’aménagement de la cité (trottoirs, rues, assainissement, gaz de ville, espaces verts, …).
La grande diversité de l’habitat minier
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Avant la nationalisation de 1945, le Bassin Minier est partagé entre 23 Compagnies concurrentes qui ont toutes la volonté de fidéliser une main d’œuvre courageuse, peu chère et compétente en lui offrant gracieusement un logement à proximité des puits de charbon. La construction de maisons ouvrières de qualité répond ainsi à un objectif multiple : améliorer le cadre de vie des mineurs et de leurs familles, promouvoir l’image de la Compagnie mais aussi et surtout réduire les déplacements des salariés en les concentrant autour des fosses afin de mieux les contrôler.
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L’agencement des habitations, la géométrie des cités, la superficie des jardins, l’intégration de bâtiments annexes (maisons des ingénieurs, dispensaires, écoles, églises, commerces, …) n’ont pas obéi aux mêmes logiques selon les époques (l’épopée du charbon a duré près de deux siècles…) et c’est un panel de logements très diversifié qui subsiste aujourd’hui. Il n’y a pas eu, la plupart du temps, de plan d’urbanisation car les Compagnies ne s’occupaient que de leurs cités et non des villes dans leur globalité : une commune comme LIÉVIN résulte de l’agglomération de cités minières et il n’y a pas de centre-ville proprement dit, les villages séparés de BULLY-LES-MINES, GRENAY, LOOS-EN-GOHELLE et MAZINGARBE avaient chacun un petit centre au départ mais ils se sont retrouvés soudés par les corons des fosses 1, 2, 5, 6, 7 et 11 des Mines de BÉTHUNE qui encadrent leurs puits respectifs.
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Le Bassin Minier se présente ainsi comme une grande agglomération diffuse très diversifiée sans vraiment de cœurs urbains (sauf ses capitales BÉTHUNE, LENS, DOUAI et VALENCIENNES) et avec quelques ilots de verdure entre les cités ouvrières. Pour les habitants, les points de repère sont les fosses et non les communes : on habite dans la Cité du 5 (fosse 5 d’AUCHEL dont les corons s’étalent sur les communes d’AUCHEL, de CALONNE-RICOUART et de MARLES-LES-MINES), dans la Cité du 12/14 (corons accolés des fosses 12 et 14 de LENS), dans la Cité Parisienne (nom de la fosse à DROCOURT), dans la Cité Lemay (coron de la fosse de PECQUENCOURT) ou dans la Cité d’Arenberg (coron de la fosse de WALLERS).
L’habitat minier a suivi toutes les évolutions urbaines, sociales et architecturales des XIXème et XXème siècles. À l’Exposition Universelle de 1867 à PARIS, la Cité des 120 d’ANZIN présentée comme un modèle d’architectural d’habitations ouvrières est primée. A l’Exposition industrielle de 1911 à ROUBAIX, cinq ans après le traumatisme de COURRIÈRES et les mouvements sociaux qui l’ont suivi, les Compagnies de BÉTHUNE et de LENS connues pour leur paternalisme (synonyme de contrôle social) présentent leurs nouveaux logements miniers d’avant-garde. Ces préoccupations ̎philanthropiques ̎des patrons cachent en fait leur volonté d’attirer de nouveaux mineurs car les productions des fosses de plus en plus mécanisées augmentent. Les logements des ingénieurs dominent les corons, la hiérarchie du fond de la mine est respectée ; l’aménagement du cœur de la cité (église, école, dispensaire, commerces, espaces sportifs ou destinés aux loisirs, …) varie selon les lieux et les époques.
Coron des 120 à ANZIN avant leur rénovation, une barre interminable de 250 m de maisons accolées (six barreaux parallèles de 20 logements dos à dos) qui inspira Zola dans Germinal. Chaque habitation avait son point d’eau, ses carins (dépendances et "cabinets ̎ extérieurs) et un jardinet. L’ensemble obtiendra la médaille d’argent à l’Exposition Universelle de 1867. Photo INA |
Les grandes phases de la construction des cités minières
1) Les corons (1825-1890)
Les rues sont constituées de longues files de maisons accolées s’achevant sur un pignon aveugle (disposition en ̎barreaux ̎) ; elles partent généralement de la fosse, les ouvriers sont ainsi au plus près de leur lieu de travail. On peut circuler entre les rues ou aller sur le terril en utilisant un système de ̎voyettes ̎ (petits chemins de terre où jouaient les enfants et où se retrouvaient les amoureux…).
Cette organisation de l’habitat répond à un objectif double :
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celui de la proximité : avoir sur un minimum de terrain le plus grand nombre de mineurs possible pour réduire leurs déplacements jusqu’au lieu de travail mais aussi pour effectuer sur eux un contrôle quasi-policier ; les Compagnies craignant beaucoup les mouvements de révolte et la contagion de ceux-ci aux fosses voisines ont parfois édifié des murs et des grilles autour des cités (ex : MAZINGARBE) pour isoler les fauteurs de troubles.
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celui de l’hygiénisme : il y a l’eau courante dans toutes les rues avec des caniveaux à entretenir par les femmes (le garde des Mines veille…) et un cabinet de toilettes extérieur pour chaque maison (en face d’elle ou au bout du jardin).
Dans le Nord, les premiers corons apparaissent à DENAIN vers 1825 (Compagnie des Mines d’ANZIN) ; dans le Pas-de-Calais, on commence à les construire à NŒUX-LES-MINES et à BRUAY-EN-ARTOIS vers 1855. Les longues files de maisons en briques résisteront mal aux affaissements miniers résultant d’une exploitation du charbon à une profondeur encore faible et la plupart ont été rasées.
Ex : Cité des 120 à ANZIN, Cité de LA SENTINELLE, Cité de la fosse 3 à AUCHEL, Cité des Électriciens à BRUAY-EN-ARTOIS, Cité Parisienne à DROCOURT, Cité des Marionnettes à LIÉVIN.
Cité de la fosse 3 à AUCHEL en cours de démolition. Photo GT
2) Les cités pavillonnaires (1890-1939)
Les maisons comportent deux (ou quatre) logements. Cette fragmentation permet de mieux suivre le relief et de diminuer les éventuels affaissements. On voit quelquefois des alternances de maisons à étage et de plain-pied (Cité de Marles à MARLES-LES-MINES). Les toilettes sont désormais accolées aux logements. Les jardins peuvent être devant ou derrière les maisons, ils sont la fierté des mineurs. Les cités ont des formes géométriques souvent rectangulaires mais certaines ont des allures originales (la Cité du Rond-Point à MARLES-LES MINES a la forme d’un soleil à dix rayons dont le centre est rempli de verdure). L’eau potable est disponible aux pompes manuelles régulièrement espacées sur les trottoirs dans les rues, elles permettent aux ménagères de faire un ̎brin de causette ̎ lors du remplissage des seaux et aux enfants de faire quelques bêtises… L’eau à domicile ne sera généralisée dans toutes les cités qu’à partir des années 60.
Beaucoup de maisons possèdent une cour fermée et un jardin dont la superficie peut atteindre plusieurs centaines de m² ; ̎celui-ci est présenté comme un complément de salaire et un loisir hygiénique ̎ (Yves LE MANER). En rentrant de la fosse, le mineur doit se ressourcer dans son potager et non dans les cabarets fréquentés par des syndicalistes anarchistes fauteurs de troubles ; son épouse, elle, est censée s’occuper des fleurs en pots ou en parterres qui embellissent les abords de la maison. ̎La Compagnie organise des concours du plus beau jardin et sanctionne par une amende ceux qui ne l’entretiennent pas bien ̎ (Yves LE MANER). Tout doit être propre, net et accueillant à l’intérieur comme à l’extérieur des maisons et c’est l’une des missions principales du garde des Mines que de le rappeler aux familles qui l’auraient un peu oublié.
Ex : Cités de Marles (fosse 5) et du Rond-Point (fosse 2) à MARLES-LES-MINES, Cités Quenehem (fosse 2) et de fosse 6 à CALONNE-RICOUART, Cités de Aviateurs et des Musiciens (fosse 4) à BRUAY EN ARTOIS, Cité de la Victoire (fosse 7) à HOUDAIN, Cité de la Fosse 5 à GRENAY, Cité St Édouard (fosse 12) de LENS, Cité de la Clochette (fosse Notre Dame) à WAZIERS, Cité Soult ancienne (fosse Soult n°1) à FRESNES-SUR-ESCAUT.
Cité de Marles à MARLES LES MINES : alternance de maisons à étage et de plain-pied. Photo GT |
Cité des Aviateurs à BRUAY - LA BUISSIERE, les premières maisons
rénovées en 1970, les ayants-droit ont vraiment apprécié. Photo GT
Cité de la Victoire à HOUDAIN (fosse 7 de BRUAY), la maçonnerie de et la toiture de ces maisons sont très soignées, la rénovation de cette cité pavillonnaire est absolument remarquable. Photo GT |
3) Les cités-jardins (1904-1939)
On se préoccupe désormais de l’environnement des maisons qui sont un peu plus espacées (jardins, parcs, espaces de loisirs, grands arbres sur les places). Les cités qui ont des formes géométriques bien définies (pas souvent rectangulaires) sont verdoyantes. L’architecture est traditionnelle et soignée, les façades ont des formes originales. L’une des caractéristiques les plus importantes est la présence de maisons d’angle dans les courbes des rues. Après quelques rénovations, ces cités présentent aujourd’hui l’aspect de quartiers résidentiels américains faits de villas individuelles entourées de verdure et de jardins fleuris. À coup sûr, ces ensembles effacent pour toujours l’image noire et crasseuse des premiers corons qui est encore très incrustée dans les mémoires des citoyens des autres régions ; ceux-ci sont toujours ébahis, lorsqu’ils visitent nos cités minières, de voir ces maisons si bien rénovées dans des cités verdoyantes. ̎Mais que ces corons sont beaux ! On nous avait pourtant dit que….̎ Eh oui, les temps changent !!! Nos terrils sont devenus de belles petites montagnes à la végétation luxuriante, certains carreaux de fosse ont été réaménagés en parcs urbains verdoyants et nos corons sont devenus de superbes zones résidentielles où beaucoup de citadins à l’étroit dans leurs immeubles de centre-ville voudraient bien vivre !
L’un des meilleurs exemples est la Cité Bruno de DOURGES longtemps occupée à 100 % par des familles de mineurs polonais (une voie de chemin de fer séparait la ̎Petite Pologne ̎des autres quartiers de la ville) ; c’est la première cité-jardin en France (1904), elle s’inspire de modèles anglais (Cité de BOURNVILLE à côté de LIVERPOOL et Cité de PORT-SUNLIGHT dans la banlieue de BIRMINGHAM), la Société des Mines de DOURGES a ainsi été un précurseur pour ce type d’architecture. A l’issue de la 1ère Guerre Mondiale, il y a un vaste programme de reconstruction des maisons dans les zones dévastées (le centre du Bassin) ; pour gagner du temps et de l’argent, les Compagnies rebâtissent les logements de leurs salariés sur les anciennes fondations. Le modèle de la cité-jardin expérimenté à DOURGES est adopté presque partout pour les maisons neuves par les Compagnies. A cette époque, le Bassin Minier est un gigantesque chantier de construction et de reconstruction. On pourra consulter la liste des cités-jardins sur Wikipédia : ̎Liste des biens du Bassin Minier inscrits sur la liste du patrimoine mondial ̎ ; on y trouve les 353 éléments répartis en 109 sites qui bénéficient du label UNESCO.
Ex : Cité Taffin (fosse Vieux-Condé) et Cité de la Solitude (fosse Ledoux) à VIEUX-CONDÉ, Cité Ste Marie (fosse Lemay) et Cité Barrois (fosse Barrois) à PECQUENCOURT, Cité de la Clochette (fosse Notre Dame) à WAZIERS, Cité Cornuault (fosse 8 de l’Escarpelle) à ÉVIN-MALMAISON, Cité Foch (fosse 2 de Dourges) à HÉNIN-LIÉTARD, Cité Bruno (fosse 2 de Dourges) à DOURGES, Cité Crombez (fosse 4 de Dourges) à NOYELLES-GODAULT, Cité Darcy (fosse 6 de Dourges) à HÉNIN-LIETARD, Cité De Clercq (fosse 9 de DOURGES) à OIGNIES, Cité du Bouvier (fosse 7 de Liévin) à AVION, Cité du 7 (fosse 7 de Béthune) à MAZINGARBE, Cité d’Auchy (fosse 8 de Béthune) à VIOLAINES, Cité du 9 et Cité Jeanne d’Arc (fosse 9 de Nœux-les-Mines) à BARLIN et HERSIN-COUPIGNY.
NB : curieusement, il n’y a pas de cités-jardins répertoriées dans l’ancienne Compagnie des Mines de Marles (AUCHEL, MARLES-LES MINES, CALONNE-RICOUART), ces villes qui n’ont pas été occupées pendant la Première Guerre Mondiale n’ont pas été démolies.
Cité Bruno à DOURGES, une magnifique cité-jardin. Photo GT
Cité-jardin de la Fosse 11 de BETHUNE à GRENAY. Photo GT
Schéma récapitulatif de Vérane COTTIN pour le n° de la CROIX du 24 / 07 / 14.
4) Les logements modernes (1950-1970)
Après la nationalisation des Houillères en 1946, sous l’impulsion de Léon DELFOSSE, Directeur général des Houillères en 1945 et responsable syndical CGT, des maisons en série d’un type nouveau sont construites car il y a un véritable problème de logement. On délaisse un peu l’architecture traditionnelle en briques et tuiles et on privilégie les plaques de béton gravillonné moins chères et assemblables très facilement (montage en moins de deux semaines). En 1954, on monte ainsi les premiers Camus dans le Bassin Minier (du nom de leur inventeur qui s’est inspiré des travaux d’Auguste PERRET architecte urbaniste qui a reconstruit la ville du HAVRE après le second conflit mondial), ils font partie d’un programme de 4000 logements. Ces maisons préfabriquées à toit plat et à deux étages sont prévues pour durer vingt ans et elles ont en principe été conçues pour être très pratiques et très confortables ; elles comportent une cave en rez de jardin et sur les deux étages quatre pièces, une salle d’eau et un cabinet de toilettes. Cette modernité est très appréciée par les premiers occupants des Camus habitués au confort intérieur très spartiate des pavillons des époques précédentes (à cause de la pénurie de logements, certains vivaient même dans des baraquements très rudimentaires).
L’un des inconvénients de ces cités est qu’elles sont souvent assez éloignées des centres-villes (pas de commerces ni de lieux de loisir ni d’administrations à proximité). Les ̎Camusards ̎̎ qui ont créé entre eux et qui entretiennent une solidarité et une convivialité exemplaires doivent prendre en main leurs occupations et leurs loisirs ; une vie associative intense se développe ainsi dans ces quartiers où, finalement, il fait bon vivre, notamment lors des premières années (tournois de pétanque et de belote, fêtes populaires, soirées dansantes…). ̎Tout le monde participait aux activités, les polonais, les italiens, les arabes… ̎ (document You tube : Cité du Maréchal Leclerc à Annay-sous-Lens, Exposition ̎Vivre en Camus ̎). À la longue, la structure très impersonnelle de ces maisons et la mauvaise tenue dans le temps des nouveaux matériaux utilisés (fenêtres en acier victimes de la corrosion, plaques de fibrociment qui s’effritent, le béton tous azimuts qui s’encrasse…) indispose et lasse les locataires ; ceux-ci finissent par quitter ces quartiers qui seront tous rasés après la fin du charbon. Les Camus auront duré un peu plus de vingt ans, comme prévu…
La grande Cité Camus du siège 18 de LENS à HULLUCH aujourd’hui rasée.
Le dernier Camus haut sur la RN 17 à ANNAY-SOUS-LENS. Photo GT
Ex : Cité Camus à ANGRES (siège 6 du Groupe LENS-LIEVIN), Cité Camus à HULLUCH (siège 18 de LENS), Cité Camus de MÉRICOURT (siège 3/15 d’HÉNIN LIÉTARD), Cité Camus d’ANNAY-SOUS-LENS (siège 21 d’HÉNIN- LIÉTARD), Cité Camus nouvelle de PECQUENCOURT (siège Barrois), Cité Camus de RAISMES (Siège Sabatier).
NB : il existait aussi des Camus sans étage, les Camus bas (par opposition aux précédents qu’on appelait les Camus hauts) ; la Cité moderne du Champ Fleuri (Fosse Vuillemin) à MASNY est formée de tels pavillons.
Camus bas Cité Carvin Saint Jean
Les Camus ne sont cependant pas les seuls logements modernes qui ont été construits, il y en a eu bien d’autres avec des formes variables.
Ex : Cité moderne de la Fosse Lemay à PECQUENCOURT, Cité moderne du Godion (fosses Bernard et Déjardin) à DOUAI, Cité moderne de St Paul (fosse 24/25 d’Oignies) à CARVIN, Cité moderne de la fosse 1 à NŒUX-LES-MINES.
Logement moderne Carvin Saint Paul
Logement moderne Carvin Saint Paul
L’habitat minier : un héritage en devenir, un patrimoine exceptionnel à faire évoluer
La fin de l’exploitation du charbon dans le Nord/Pas-de-Calais a laissé aux communes minières un gigantesque parc de plusieurs dizaines de milliers de logements ouvriers. Comment prendre en charge ce patrimoine exceptionnel ? Cette question cruciale s’est posée aux collectivités locales (Conseil Régional, Conseils Généraux du Nord et du Pas-de-Calais, communes).
Les grandes tours des HLM qui ont été une solution à un moment donné de l’histoire du Bassin (pénurie de logements dans les années 60-70) ont généré beaucoup de problèmes ( ̎ghettoïsation ̎ synonyme de rejet et d’ennui, rupture avec les centres-villes, délinquance des jeunes) et n’attirent plus les jeunes couples qui veulent commencer leur vie commune au ras du sol ; la plupart des grands ensembles qui vieillissent mal sont ainsi voués à la démolition. Comme le nombre d’ayants-droit diminue naturellement dans les cités minières, les remplacer par des familles ̎extérieures ̎payant un loyer devient un bon plan (la décision est prise par les HBNPC en 1968, la SOGINORPA enregistre encore 16000 demandes de maison en 2000 !) mais il convient avant toute chose de rénover les logements pour les rendre plus confortables et plus adaptés aux nouvelles exigences environnementales, notamment en matière d’économies d’énergie. A cette époque, les trois-quarts des 120 000 logements miniers n'ont pas de salle d'eau ni de WC intérieur, 94% n'ont pas l'eau chaude et aucun n'est relié au " tout à l'égout ".
L’Etat accompagne financièrement les HBNPC pour rénover l’assainissement dans toutes les cités (programme GIRZOM ou Groupe Interministériel de Restructuration de la ZOne Minière), les travaux concernent 70000 maisons, ils dureront plus de quarante ans.
Le travail de réhabilitation des logements et la gestion des locations sont confiés à des sociétés mixtes dont la plus importante est ̎Maisons et Cités SOGINORPA ̎ créée en 1986 par Charbonnages de France ; celle-ci rénove et gère un parc de 61000 logements individuels s’étendant du Bruaysis au Valenciennois, c’est une société anonyme d’HLM depuis le 1er janvier 2014 qui emploie 880 personnes et qui réalise aussi des constructions de logements sociaux neufs certifiés ̎ Habitat et Environnement ̎.
Tous les programmes de rénovation de l’habitat minier donnent en permanence du travail à plus de 300 entreprises locales ; tout le monde y trouve son compte : les bailleurs, les locataires, les sociétés de travaux publics et leurs fournisseurs de matériaux. On voit que les enjeux sont à la fois économiques, humanitaires et environnementaux !
On a répertorié, dès le départ, les cités en plusieurs catégories :
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celles qui ne nécessitent qu’une simple transformation pour les rendre conformes,
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celles qui ont besoin d’une restructuration plus importante mais d’un coût raisonnable,
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celles dont la rénovation coûterait trop cher et qui sont vouées à la démolition (environ 3000 maisons).
Entre 2003 et 2009, c’est la Mission Bassin Minier qui a mené ce travail d’inventaire sur l’ensemble du Bassin ; sur 565 cités, 209 sont considérées comme remarquables et figurent sur le dossier présenté à l’UNESCO. Longtemps décriés, les corons ont enfin leur revanche…
Des cités-pilotes choisies pour leur valeur historique sont ou seront rénovées, souvent de façon remarquable (isolation thermique renforcée, cuisines ouvertes sur le séjour, haies entre les habitations, maisons de quartier, ateliers d’artistes, gites pour les visiteurs, centre d’interprétation de l’habitat…) ; elles sont pour l’instant au nombre de cinq (vingt-quatre ont été répertoriées):
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la Cité des Électriciens à BRUAY LA BUISSIÈRE : elle a été construite en 1856 pour loger les mineurs de la fosse 1, le programme de réhabilitation sera terminé en septembre 2016 ;
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la Cité Bruno de DOURGES : précédemment décrite ;
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la Cité Lemay de PECQUENCOURT : elle a été construite à partir de 1921 (début réel de l’exploitation de la Fosse Lemay dont les puits avaient été creusés en 1914), elle est caractérisée par des rues rectilignes et des jardins devant les maisons ;
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la Cité Sainte Marie de PECQUENCOURT : voisine de la précédente, elle se caractérise par des rues courbes, des jardinets en façade et des dessertes à l’arrière. Avec la Cité Lemay, elle forme le Quartier du Nouveau Monde ;
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la Cité Solitude de VIEUX CONDÉ : elle a été construite en 1921 pour accueillir une partie des 7200 mineurs polonais embauchés par la Compagnie d’ANZIN, c’est une cité-jardin rénovée une première fois en 1981/1982 puis en 1994 (chauffage central au gaz dans toutes les maisons) et plusieurs fois encore après 2000 (menuiseries, enlèvements des cheminées, …), sa gestion est confiée à la Société SIA Habitat.
Des programmes pédagogiques sont mis en œuvre dans les cités-pilotes pour revaloriser les jardins si chers aux anciens mineurs (la cité doit être accueillante et fleurie), pour sensibiliser les populations sur la qualité de la nourriture (produire et manger ses propres fruits et légumes) et pour aménager des espaces de loisir (on fait vivre son quartier et on participe aux activités) mais ce n’est pas toujours évident ! Les jeunes couples locataires d’aujourd’hui ont d’autres comportements que leurs ainés (société de consommation, ère de l’individualisme, nouvelles technologies, …) et d’autres préoccupations (précarité des emplois, chômage, …) pour faire de l’environnement leur priorité ; quant aux derniers ayants-droit, ils sont trop âgés pour entretenir leur jardin comme au temps de leur jeunesse laborieuse. On se tourne aussi vers les plus jeunes ;
un travail d’information est entrepris dans les écoles primaires, les enfants doivent être sensibilisés dès le plus jeune âge aux problèmes liés à l’urbanisation et à l’environnement.
Même si beaucoup a déjà été fait, et l’inscription au Patrimoine de l’UNESCO en est le meilleur exemple, un travail considérable reste à accomplir pour améliorer l’image de notre Bassin Minier abîmée par deux siècles d’exploitation du charbon. Les cités rénovées permettent en tout cas d’accueillir, pour des loyers raisonnables, de nombreux jeunes couples qui n’ont pas les ressources nécessaires pour acquérir un logement neuf ; les maisons qui sont mises à leur disposition sont belles, solides et modernes, qu’ils en profitent au maximum !
Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM
Pas beaux, nos corons ? Cité de la Fosse 5 de BÉTHUNE à GRENAY reconstruite après 1920 (600 logements) Photo G |
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Vue d’HAILLICOURT du haut du terril n°2 (siège 6 de BRUAY remplacé par des arbres) : le pays noir est devenu vert ! Photo GT |