Catastrophes du mois d'Avril
LES CATASTROPHES DU MOIS D’AVRIL DANS LES CHARBONNAGES DU NORD/PAS-DE-CALAIS
Six catastrophes ont eu lieu en avril, quatre dans la Pas-de-Calais et deux dans le Nord.
Mercredi 9 avril 1823 : fosse La Pensée à ABSCON (Compagnie des Mines d’ANZIN), 22 morts
Deux coups de grisou successifs ont été à déplorer dans cette fosse qui venait d’entrer en extraction :
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le 9 avril 1823 : 22 morts,
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le 26 juin 1824 : 20 morts.
La fosse La Pensée d’ABSCON vers 1906. |
Foncée en 1822, elle a produit seulement 338000 t de charbons gras et demi-gras jusqu’en 1871 (fin de l’extraction), elle a ensuite servi de puits d’aération pour la fosse St Mark d’ESCAUDAIN jusqu’en 1950.
13 avril 1882 : fosse 3 de LIÉVIN (Compagnie des Mines de LIÉVIN), 9 morts
C’est la première catastrophe de la fosse 3 dite "Ste Pauline" qui était très grisouteuse (à ne pas confondre avec la fosse 3 de LENS à LIÉVIN). Il y en aura deux autres :
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le 28 janvier 1907 : coup de grisou, décès de deux ingénieurs et d’un maître-porion,
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le 16 mars 1957 : coup de grisou, 10 tués (voir article Apphim "Les catastrophes du mois de mars dans les Charbonnages du Nord/Pas-de-Calais").
La fosse 3 Ste Pauline de LIÉVIN vers 1950. |
Entre 1876 et 1958, la fosse 3 de LIÉVIN aura produit 23,02 millions de tonnes de charbon. Elle est alors concentrée sur les sièges 6 d’ANGRES et 7 d’AVION. Quelques années après sa fermeture en 1970, l’entreprise BENALU (bennes en aluminium) s’est installée sur son carreau.
Lundi 16 avril 1917 : fosse 9 d’HERSIN-COUPIGNY (Compagnie des Mines de NŒUX), 42 morts
Lundi 16 avril 1917, 7h 30, la sirène de la fosse 9 d’HERSIN hurle, une explosion vient d’avoir lieu au fond de la mine. Les habitants de la cité 9 de BARLIN où habitent la majorité des mineurs se ruent vers le chevalement mais un cordon de soldats britanniques est déjà là pour les empêcher de franchir le grand portail. On est en pleine guerre et la fosse est dans le secteur anglais. Il pleut, il neige, toute une foule inquiète et transie de froid attend les nouvelles qui ne peuvent être que mauvaises. L’armée britannique prête du matériel d’urgence aux sauveteurs qui se relaient pendant des heures pour chercher et ramener les victimes qui sont éparpillées un peu partout. Il faut trois jours pour faire remonter 38 tués et 15 blessés ; la plupart d’entre eux sont des soldats démobilisés qui ont quitté l’enfer des tranchées pour retrouver celui de la mine. La catastrophe fera finalement 42 morts. Pendant les obsèques qui ont lieu le jeudi 19 avril, on entend les bruits de la canonnade car la bataille de VIMY à quelques kilomètres vers l’est vient à peine de se terminer mais les combats font toujours rage dans le secteur. Le lundi 9 avril, en effet, quatre divisions canadiennes (30000 hommes) avaient pris d’assaut la côte 145 qu’ils ont emportée le 14 au prix de pertes très sévères : 3598 morts, 7104 blessés, c’est pire chez les allemands qui ont perdu 20000 hommes ; ces chiffres surpassent de beaucoup ceux de la catastrophe, ce qui explique que celle-ci a été un peu oubliée dans les ouvrages de l’époque.
La fosse 9 des Mines de NŒUX à HERSIN en 1927 |
La fosse 9-9 bis foncée entre 1905 et 1907 a produit 2,09 millions de tonnes de charbon entre 1908 et 1921. A partir de cette date et jusqu’à 1957, elle a servi pour l’aérage de la fosse 7 de BARLIN.
Lundi 19 avril 1948 : fosse 4/11 de SALLAUMINES (Groupe d’HÉNIN-LIÉTARD), 16 morts
La fosse 4/11 déjà durement touchée le 10 mars 1906 (506 des 1099 morts de la catastrophe de COURRIÈRES en étaient originaires) va de nouveau être le siège d’un accident collectif très grave. Le lundi 19 avril 1948, 365 mineurs travaillent de l’après-midi dans les trois étages d’exploitation (- 289m, - 341 m, - 403 m). A 17h 35, une gigantesque explosion secoue la mine et une flamme géante sort du puits 11 ; le coup de grisou a soulevé la cage de 20 mètres et celle-ci s’est incrustée dans la partie haute du chevalement. Les installations du jour sont ravagées et trois jeunes filles du triage sont atrocement brûlées. Quant au puits 4, il est bouché par les débris et on doit remonter les premiers blessés du fond par le puits 3 de MÉRICOURT situé à 2 kilomètres. Va-t-on assister à un nouveau COURRIÈRES ? Dès que le puits 4 redevient fonctionnel, on peut faire un premier bilan humain et un état des lieux des différents étages :
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12 morts, 35 blessés dont une dizaine très gravement,
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étage 403 : gros dégâts matériels ; étage 341 : dégâts légers ; étage 289 : peu de dégâts.
Les arrêts-barrages Taffanel ont bien joué leur rôle et ont empêché la propagation de l’explosion.
Celle-ci ayant provoqué un court-circuit électrique, le moteur du ventilateur principal du 4 s’est arrêté et c’est un coup de chance car celui-ci aurait envoyé le monoxyde de carbone formé dans les chantiers d’abattage et le bilan aurait été bien plus lourd. Ce gaz dangereux légèrement moins dense que l’air s’est donc dilué dans le puits et en est sorti naturellement. Le bilan final sera de 16 morts dont deux femmes et d’une quarantaine de blessés.
La fosse 4/11 de SALLAUMINES après la catastrophe |
Les funérailles ont lieu le jeudi 22 avril en présence de nombreuses personnalités politiques, syndicales et religieuses. Il est à noter que le Ministre de l’Industrie et du Commerce, M. Robert LACOSTE, pourtant présent à SALLAUMINES depuis les premières heures de la catastrophe, a été prié par le Président du Conseil de ne pas assister à la cérémonie car celui-ci trouvait déplacé que les événements servent de prétexte pour des revendications syndicales. Dans leurs interventions virulentes, M. Auguste LECOEUR, ex Secrétaire d’Etat au Charbon de janvier à décembre 1946 et père du statut du mineur, venu en tant que Président de la Fédération régionale des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, et le Délégué LEBLOND de la fosse 4/11 adressent un véritable réquisitoire contre l’Etat-patron (on est dans la deuxième année de la nationalisation) et parlent de négligences criminelles (on pousse à la production en sacrifiant la sécurité du mineur). L’enquête très longue qui s’en est suivie n’a pas déterminé les causes exactes de la catastrophe car l’explosion s’est produite dans le puits-même qui s’est comporté comme un "canon".
Les dégâts occasionnés par l'explosion |
Le puits n°4 a été foncé en 1865 et terminé en 1867, le puits n°11 foncé en 1898 fonctionne en 1901. Entre 1867 et 1954 (date de la concentration sur le siège 3/15 de MERICOURT), la fosse 4/11 a produit 21,13 millions de tonnes de charbons gras contenant de 35 à 40 % de matières volatiles. Les chevalements ont été abattus en 1962 et les puits remblayés.
Mercredi 6 avril 1949 : fosse 11 de GRENAY (Compagnie des Mines de BÉTHUNE), 1 mort
Moins d’une année après SALLAUMINES, une catastrophe du même type s’est produite à la fosse 11 de GRENAY. L’explosion d’une canalisation d’air comprimé dans le puits a provoqué un coup de poussières qui se sont enflammées. Au jour, tout est dévasté ; on dénombre 32 blessés dont 4 au fond et parmi les victimes, il y a 5 femmes. Un jeune allemand de 19 ans, gravement brûlé, succombera huit jours après l’accident.
Le mauvais état de la canalisation était, semble-t-il, connu mais le remplacement aurait coûté trop cher. C’en est trop pour Auguste LECOEUR ; dans le Tribune du Mineur, il s’en prend au Ministre LACOSTE et à la Direction des Charbonnages : "Les morts et les blessés leur coûtent moins que la réfection des puits". Pour la Fédération du Sous-sol, les mêmes n’ont pas tiré les leçons de la catastrophe de SALLAUMINES ; seuls comptent les chiffres de la production. Dans le compte rendu officiel de l’enquête, on émet plusieurs causes possibles de la catastrophe : inflammation due à une fuite d’huile, sabotage… Le flou demeure.
La fosse 11 de GRENAY vers 1950. |
Le puits no 11 est foncé par la Compagnie des mines de BETHUNE en 1904 et le 11 bis en 1906. La fosse produit dès 1908 mais elle est complètement détruite à la fin de la Première Guerre Mondiale. Reconstruite dès 1920, la fosse no 11 - 11 bis est alors dotée d'un nouveau chevalement original en béton armé. De 1908 à 1967, on y a extrait 14,62 millions de tonnes de charbon. Les deux puits sont remblayés et détruits en 1969.
Mercredi 14 avril 1971 : fosse 4 de LENS (Groupe de LENS), 4 morts
A 4 h du matin, dans le puits 4 de Lens (siège 19), quatre mineurs sont dans le puits pour des opérations de raval. Ils sont installés sur un plancher mobile qui bascule. Les ouvriers font donc une chute de plus de 100 m dans le fond du puits et sont tués sur le coup. Le fonçage et le bétonnage du puits était terminé et ces quatre hommes, suspendus au-dessus du vide par un plancher devaient démonter la tuyauterie ayant servi à faire descendre le béton pour le cuvelage de la colonne du puits. Ayant terminé leur travail, ils remontaient sur le plancher à la vitesse de 1 m/min. Le machiniste qui commandait la machine en surface entendit un gros bruit, arrêta sa machine et le porion de service se rendit compte que le plancher avec fait la bascule entraînant les mineurs vers le fond.
Vue aérienne de la fosse 4, années 70
Marc Halbot, 22 ans, célibataire,
Marcel Dumon, marié et un enfant,
René Laurent, 33 ans marié et père de trois enfants,
René Laquais, 34 ans marié et père de cinq enfants
Ont péri dans cet accident.
Source La Voix du Nord, col APPHIM
Jeudi 10 avril 1974 : fosse Agache de FENAIN (Groupe de VALENCIENNES), 2 morts
Veine n°3, - 640 m, 20h 45 : les ouvriers terminent leur poste de l’après-midi dans une taille montante à 46°, mécanisée (scraper), d’ouverture variant de 0,80 m à 0,90 m et d’une longueur de 105 m. Soudain, un grondement énorme… Le soutènement de la galerie se tord comme du fil de fer et tout le toit de la galerie s’effondre sur une vingtaine de mètres ensevelissant deux ouvriers qui n’ont pas eu le temps de fuir l’éboulement. La quinzaine de sauveteurs qui s’est immédiatement mise au travail pour libérer les malheureux a dû déblayer les terres en posant de nouveaux étançons métalliques. Les équipes se relaient pendant 115 heures et c’est finalement le mardi 15 avril qu’on dégage les corps sans vie des deux mineurs vraisemblablement tués sur le coup. Dans son rapport, le Délégué de la fosse précise que la Direction connaissait très bien la nature du chantier et notamment la friabilité du toit. D’après lui, dans ce type de taille, l’exploitation doit se faire de façon traditionnelle au marteau-piqueur comme c’est le cas aux étages - 480 et - 560 et non par un engin mécanisé ; c’est ce choix qu’aurait fait la Direction pour une question de rentabilité.
La fosse Agache de FENAIN vers 1970. |
Les deux puits de la fosse Agache des Mines d’ANZIN ont été foncés à partir de 1907 et l’extraction a commencé en 1913. A l’issue du premier conflit mondial, la fosse est complètement détruite et sa reconstruction est terminée en 1921. Elle intègre le Groupe de VALENCIENNES à la Libération et devient un siège de concentration à partir de 1950. De 1913 à 1976, on y a extrait 21,90 millions de tonnes. Les chevalements ont été abattus en 1979.
Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM