Les catastrophes du mois de mars

LES CATASTROPHES DU MOIS DE MARS DANS LES CHARBONNAGES DU NORD/PAS-DE-CALAIS

Une demi-douzaine de catastrophes ont eu lieu en février mais c’est le mois de mars qui bat tous les records pour le nombre de victimes avec notamment le drame du 10 mars 1906 de la Compagnie des Mines de COURRIÈRES qui fit 1099 morts (fosses 2 de BILLY-MONTIGNY, 3 de MERICOURT et 4 de SALLAUMINES). Voici les autres graves accidents.

Mars 1901 : fosse 2 ROUVROY (Compagnie des Mines de DROCOURT), 3 morts

C’est la première catastrophe du XXème siècle dans le Nord/Pas-de-Calais : un coup de grisou à la fosse 2 des Mines de DROCOURT a fait 3 morts et 4 brûlés graves.

Le fonçage de celle-ci commencé en 1891. Cette fosse dite "Nouméa" située à proximité de la grande cokerie de DROCOURT a produit des charbons gras jusqu’en 1955, elle a encore servi pour l’aérage jusqu’en 1979.

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La fosse "Nouméa" au moment de la catastrophe de 1901

Mardi 2 mars 1943 : fosse 9 d’ANNEQUIN (Compagnie des Mines de BÉTHUNE), 6 morts

Le 2 mars 1943, un coup de grisou à la fosse n° 9 fait 16 morts et 6 blessés dans un quartier pourtant peu grisouteux. L’explosion s’est produite lors d’un tir de mine pour faire tomber le toit.

Cette fosse a produit 14,28 millions de t de charbon demi-gras de 1896 à 1964.

La fosse 9 d'ANNEQUIN vers 1909

Jeudi 23 mars 1944 : fosse 9 d’OIGNIES (Compagnie des Mines de DOURGES), 6 morts

Le 23 mars 1944, à 15h30, 7 mineurs se trouvent à - 456 m au fond de la fosse 9/9 bis, dans la voie descendante de la taille Sainte Michelle : Joseph Bustin, Stanislas Cuipeck, Boleslas Cuipeck, Félix Lebacq, François Madziareck, Raymond Maubert et Joseph Pakosz.

 

La lampe du chef porion, Stanislas Cuipeck s’éteint. Il dévisse alors la cuirasse de sa lampe et la positionne à la sortie du ventilateur. Le tamis, dégagé de la cuirasse, rougit avec l’apport massif d’oxygène et, malheureusement, l’air vicié en grisou explose immédiatement.

 

L’exploitation de la taille est tombée sur une poche de grisou qui a envahi les chantiers.

 

Hormis Félix Lebacq légèrement brûlé au genou, les six autres mineurs sont gravement brûlés. Ils sont rapidement remontés au jour, dans le café situé en face de la fosse, où le docteur Boulanger fera les premiers soins. Ils sont ensuite dirigés vers la clinique Darcy des Mines de Dourges à Hénin-Liétard mais leurs blessures étaient létales.

 

§  Joseph Bustin, 19 ans, de Courrières, décède le 25 mars. Il avait, hélas, remplacé ce dit jour le mineur Laurent Degosse blessé à la cheville.

§  Boleslas Cuipeck, 19 ans, de Dourges décède dans la nuit.

§  Stanislas Cuipeck, son frère de 30 ans, meurt le soir du 23.

§  Raymond Maubert, 16 ans, de Oignies survivra jusqu’au 29 mars à la suite d’une fracture du crâne. De retour d’une blessure, il aurait dû être au poste du matin mais ses papiers n’étant pas à jour, il fut affecté au poste de l’après-midi.

§  François Madziareck, 24 ans, de Dourges décède le 23.

§  Joseph Pakosz, 43 ans, succombe le 23.

 

Pour comble du malheur, le 27 mars, vers 16h30, le mineur François Gorene meurt dans un éboulement à proximité du lieu de l’explosion.

Les funérailles des 6 mineurs se déroulent les 28, pour Dourges, et 29 mars à Courrières et Oignies. L’ensemble du personnel de la fosse ne travaillera pas durant ces deux jours.

 

Cette grève pourtant bien légitime, sera pourtant perçue, dans cette période d’occupation comme une manifestation de résistance menée sous l’égide des communistes.

 

NB : selon les sources l’orthographe des noms polonais diffère : Cuipek, Cuipeck, Ciupek, Boleslas, Boleslaw.... Nous avons pris le parti de retenir l’écriture mentionnée dans le rapport d’accident.

 

Jean-Louis HUOT

Sources ONYACUM-Archives APPHIM

Foncée en 1930, cette fosse dite "De Clerq-De Crombez" a produit 4,78 millions de t de charbon maigre jusqu’en 1963 où elle a été raccordée à l’étage -531 m au nouveau siège 10 de concentration. Elle a ensuite été utilisée pour le service et l’aération jusqu’au 21 décembre 1990 et c’est là qu’a été remontée la dernière berline de charbon du Nord/Pas-de-Calais de la taille Michelle 224, ce qui mettait un terme de plus de deux siècles de production dans la région.

La fosse 9 d'OIGNIES vers 1950

Jeudi 28 mars 1946 : fosse 1 d’OIGNIES (Groupe d’OIGNIES), 13 morts

Le 28 mars 1946, 76 hommes descendus à 22h arrivent vers 22h 45 dans la taille n°2 de la veine 16 à -574m. Soudain, une grosse explosion secoue tout le quartier, le soutènement en bois craque et s’effondre dans un nuage de poussières. 3 mineurs tués sur le coup sont retrouvés à l’entrée de la taille mais on découvrira 8 nouveaux corps sans vie en déblayant l’éboulement. 3 autres ouvriers sont grièvement brûlés, 2 d’entre eux décèderont les jours suivants. A 10h 45, tous les corps sont remontés ; parmi eux, il y a deux prisonniers allemands.

La fosse 1 d’OIGNIES (ancienne fosse 1 dite "Auguste Dupire" de la Compagnie d’OSTRICOURT) a été foncée en 1856 et a commencé à produire en 1858. Détruite en 1918, reconstruite, elle a été concentrée sur la fosse 2 en 1949 et a servi pour l’aérage du siège 10 à partir de 1958. Elle a produit 6,29 millions de t.

La fosse 1 d'OIGNIES

Mercredi 13 mars 1957 : fosse 6 d’HAILLICOURT (Groupe de BRUAY), 2 morts

Le 13 mars 1957, la recette du puits 6 bis à - 851m est en cours d’aménagement. Il doit être procédé à un élargissement de l’endroit pour couler du béton ; soudain, un gros craquement, quatre cadres métalliques cèdent et le toit s’effondre. Trois mineurs sont ensevelis ; deux sont tués sur le coup et le troisième libéré après deux heures de déblaiement s’en tire avec quelques égratignures.

La fosse 6 est constituée de trois puits (6 et 6 bis foncés en 1909, 6 ter en 1915), elle commence à extraire en 1913 des charbons flénus et flambants gras dans un gisement riche mais déjà très profond (-591 m). Choisie comme futur siège de concentration pour tout le Bruaysis à la Libération, elle remontera à partir de 1954 les productions de toutes les fosses avoisinantes (BRUAY, DIVION, HAILLICOURT, HOUDAIN, BARLIN). Vers 1967, c’est l’un des plus grands sièges d’Europe (3800 salariés, 10500 t de charbon brut extrait par jour) mais aussi l’un des plus profonds (les trois puits à plus de 1000 m). Vers 1970, les sondages s’avèrent décevants et la production baisse continuellement ; les dernières berlines remontent le 6 septembre 1979, le 6 aura produit en tout 50,48 millions de t de charbon.

En cours d’aménagement et dans l’attente d’être bétonnée, la recette du puits 6bis, en vue de son élargissement, a vu se produire en ce 13 mars à l’étage de 851, un éboulement dû au décollement d’un bloc de terrain jusqu’au toit de la 9ème veine qui fit céder quatre cadres métalliques, et qui causa la mort d’un porion, Jules DUHAMEL, né le 26 mai 1924, marié, 3 enfants, ainsi que d’un ouvrier raucheur, René GRAVELEINE, né le 4 mai 1921, marié, 2 enfants.

Après deux heures d’efforts mettant en lumière les ouvriers Maurice ELUECQUE, Gilbert HEUMETZ et Félix ANDRYSIAK, le boute – feu Léon SZYMANOWSKI, également enseveli, put être dégagé vivant en ne présentant que des blessures légères, au même titre que Victor LANCELOT souffrant de fractures de côtes dues à la chute de la tuyauterie d’air comprimé causée par l’éboulement.

Source Lampe au Chapeau col APPHIM 1957

Le siège 6 d'HAILLICOURT, fierté du Bruaysis vers 1910

Samedi 16 mars 1957 : fosse 3 de LIÉVIN (Groupe de LIÉVIN), 10 morts

16 mars 1957, 14h 10, taille Coecilia-Beurtia 59 : l’équipe du matin (17 personnes) fait un peu de rabiot, elle termine la préparation du travail pour celle de l’après-midi. Le quartier est très productif car on y a installé en janvier un nouveau rabot. Le boutefeu procède à un tir de mine et c’est l’explosion. Le grisou et le coup de poussier qui a suivi tuent dix mineurs, quatre autres sont brûlés. 150 hommes des chantiers voisins arrêtent le travail et à 17h, tous les corps meurtris sont remontés. Les funérailles ont lieu le mardi 19 mars à LIÉVIN ; les dix cercueils recouverts de fleurs et de plaques sont déposés dans le hall de l’Hôtel de Ville drapé de noir pour l’occasion.

Ce mardi 19 mars, les quelques clichés des obsèques ne peuvent totalement révéler l’impact de cette intense douleur ressentie par tout le Groupe de Lens-Liévin, ainsi que par la population minière dans son ensemble, face à la fin tragique des malheureuses victimes de la fosse 3 de Liévin.

Conjointement aux nombreuses et touchantes marques de sympathie parvenues de l’étranger et de toute la région minière, nous souhaitions exprimer aux épouses ainsi qu’aux mamans de nos camarades disparus, toute la force de l’élan de sympathie qui, de tout le personnel du Bassin, est monté vers elles.

Les victimes

  • Claude MENUGE, 27 ans, conducteur de rabot, marié, 1 enfant.
  • Frantz OWCZARCZAK, 37 ans, chef de taille, marié, 2 enfants.
  • Henri HOCQ, 17 ans, rouleur, célibataire.
  • André LEMAIRE, 19 ans, rouleur, célibataire.
  • Jean FILIPPINI, 35 ans, boute - feu, marié, 3 enfants.
  • Henri SODERTROM, 32 ans, surveillant, marié, 1 enfant.
  • Louis CORNEZ, 36 ans, conducteur de rabot, marié, 2 enfants.
  • Gilbert PAGNIEZ, 25 ans, traceur, marié, 1 enfant.
  • Robert DEREGNAUCOURT, 26 ans, électro - mécanicien, célibataire.
  • Maurice POLFIET, 29 ans, porion, marié, 2 enfants.

                          Les blessés

  • Henri NINY, 17 ans, surveillant de tête motrice.
  • Georges PAGNIEZ, 28 ans, traceur.
  • Léon DEFIEUX, 17 ans, surveillant de tête motrice.
  • Eugène POMAER, 36 ans, chef de train.

Source Lampe au Chapeau, col APPHIM 1957

Les cercueils des dix victimes ont été exposés devant l’Hôtel de Ville de Liévin pendant le service funéraire

La fosse 3 de LIEVIN vers 1950

Les plaques commémoratives de la catastrophe du 16 mars 1957

Lundi 24 mars 1969 : fosse 10 de l’Escarpelle à LEFOREST (Groupe de DOUAI), 5 morts

Le 24 mars 1969, cinq mineurs dont quatre électromécaniciens effectuent leur travail de contrôle à l’étage -270 m ; il est aussi prévu qu’ils aillent à l’étage -370 m. Pour effectuer le trajet, ils ont trois possibilités : revenir vers le puits et emprunter la cage pour aller au niveau inférieur, descendre sur des échelles (100 m de dénivellation…) ou monter dans la cage d’un bure reliant les deux étages. Ils choisissent cette dernière solution car l’un d’entre eux est reconnu silicosé à15% et un autre handicapé à 23%. La cage dans laquelle ils s’engagent ne sert que pour le transport de charbon ou de matériel et n’est pas pourvue des dispositifs de sécurité pour le personnel comme celle du puits. Au bout de quelques secondes, on entend un choc (rupture du treuil). La cage effectue une chute dans le vide que le frein de secours ne peut ralentir et arrêter. Quatre des mineurs sont tués sur le coup et le cinquième décèdera à l’hôpital.

La fosse 10 a exploité entre 1926 et 1973 (concentration sur la fosse 9 de l’Escarpelle) un gisement de charbons maigres, on y a extrait 11,87 millions de t ; elle servira jusqu’en 1990 pour l’aérage.

La fosse 10 de l'Escarpelle dans les années 50

Georges TYRAKOWSKI-Mathias TOTH pour l'APPHIM


Date de création : 03/03/2014 15:03
Dernière modification : 16/03/2021 19:30
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