Peur du noir
La peur du noir
Le centre de formation pour mineur d’Auchel a été converti en musée en 1986. D’anciens mineurs animent les visites guidées, jamais avares d’anecdotes personnelles intenses. Charles est notre guide ce jour-là.
Si vous passez devant chez moi, la nuit, jetez un petit coup d’œil à l’étage. Si le volet de ma chambre est entr’ouvert, c’est que je dors ! J’ai 83 ans et je crois que ça ne va plus changer ! Quand la lumière manque, mes angoisses refont surface. Alors dès que la nuit tombe, j’ai toujours une source lumineuse à mes côtés. Je vous raconte : soixante-dix ans plus tard, je n’ai rien oublié !
« A quatorze ans, je suis un tout jeune galibot, un jeune gamin qui fait ses premiers pas au fond de la mine ! Les chefs nous font travailler par équipe de deux. Ce jour-là, absorbé par le travail, peut-être, et par manque d’expérience, je me suis éloigné de mon camarade quand ma lampe s’est éteinte ! Le néant. Plus rien ! J’ai crié, hurlé son prénom. Sans réponse ! Personne !
Le bruit des machines, qui d’ailleurs m’a rendu complètement sourd, est tellement assourdissant qu’il devait couvrir ma voix. Je me suis retrouvé dans le noir absolu. J’étais terrorisé. J’avançais à tâtons, palpant les parois anguleuses et humides de la veine de charbon. Pas la moindre petite clarté et l’idée en tête de ma mort prochaine. Je pleurais.
Après de quatre heures d’errance, une éternité, j’ai enfin retrouvé mon camarade. Je suis tombé dans ses bras, en sanglotant de joie !
On ne rendra jamais assez hommage aux lampistes qui n’avaient pas le droit à l’erreur !
Martine Dreux-Callens, petite fille de mineur