Le couteau
LE COUTEAU (1)
Il arrive qu'on aperçoive encore dans les champs une personne courbée, un couteau à la main, un sachet plastique dans l'autre : c'est le cueilleur de pissenlits.
J'ai été souvent cueilleuse de pissenlits pour mon père : il nous convoquait, mon frère et moi, et nous donnait la mission de rapporter un maximum de pissenlits pour nourrir ses lapins. Nous avions chacun un petit couteau, un sac plastique et nous prenions l'engagement de ne pas rentrer tant que nos sachets n'étaient pas remplis de pissenlits.
Notre périple commençait au bout de la rue, autour du terrain de football, aujourd'hui stade Saint-Albert (fosse 16 de LENS). Il était fermé par une grille noire en fer forgé mais on pouvait quand même se faufiler sur le côté. J'avais 9 ans, mon frère 11.
Nous cherchions alors ces fleurs jaunes caractéristiques des pissenlits. Moi je préférais souffler sur les graines et les voir s'envoler. Nous marchions parfois une heure entière, nous éloignant un peu plus à chaque fois, le temps que les pissenlits repoussent. Quand nous revenions, nous confions nos sachets à mon père. Nous étions très fiers d'avoir rempli notre mission.
Un jour, ne trouvant plus mon couteau, j'ai pris le premier qui s'est présenté à moi. Je savais qu'il appartenait à mon père, il ne quittait jamais sa poche. Je me disais qu'il devait mieux couper que celui que j'avais perdu. Mon père ne s'en séparait jamais et s'en servait tout le temps à la maison et au travail.
̎ Tout mineur bien équipé doit avoir un couteau à tout faire ! ̎ répétait-il.
Pressée par mon frère, je me suis dit qu'il ferait l'affaire. Et je l'ai emporté.
Sur le chemin, je pensais à Lapine qui attendait des petits. Je me demandais combien elle en aurait. Auront-ils la couleur de leur mère ou de leur père ? Peut-être seront-ils nés quand tout à l'heure nous rentrerons ? En attendant il fallait cueillir des pissenlits. Mais...mais...où est passé le couteau ? J'appelle mon frère, nous cherchons ensemble : rien. J'ai égaré le couteau de mon père ! J'imagine déjà sa colère.
Tant pis ! Il se fait tard, nous remplissons nos sachets au point qu'ils débordent. Avec un peu de chance, il ne s'en apercevra pas. Nous décidons avec mon frère de ne rien dire. Il l'a cherché bien longtemps ce couteau ! ̎Pourtant j'étais sûr de l'avoir posé sur la table !!! ̎ disait-il en scrutant nos figures bien penaudes avant de dire ̎Bah ! Ce n'est pas grave, j'en ai un autre ! ̎ Ouf !
Il y a quelques semaines, c'était son anniversaire. Alors j'ai contacté mon frère et ensemble nous lui avons offert un beau couteau tout neuf, avec son nom et son prénom gravés dessus. Au moins s'il le perd....
Laurence VINCENT
LE COUTEAU (2)
Un mineur sans son couteau, c’est comme sa femme sans son tablier !
Mon beau-père s’en servait pour tout : couper le pain, découenner soigneusement son lard fumé en tirant la langue, dénuder le "fil à buquer ", tailler en pointe un morceau de bois, … et il l’aiguisait très souvent en le frottant alternativement sur l’un des poteaux en béton du fil à linge dans le jardin.
Georges TYRAKOWSKI
Le couteau du Mineur. Photo GT