La classe de transition

La classe de transition

Il est 13h10, je pars au collège sur mon mini vélo, j’ai des ailes. Mon tout nouveau deux roues me donne une sensation de liberté. J’adore l’école et je suis juste dans les temps pour reprendre les cours de l’après-midi.

Comme chaque jour, devant la fosse 9, je passe à grands coups de pédales devant un petit groupe de filles de mon âge. Deux visages s’en détachent, Josiane et Colette. J’ai juste le temps de leur faire un grand signe en criant gaiement leurs prénoms. Le groupe de filles attend le bus qui les emmènera  vers les filatures de Roubaix-Tourcoing.

Je n’ai pas revu Colette et Josiane depuis la fin de l’école primaire et je prends soudain conscience de la situation. Alors que mes copines et moi avons rempli, très excitées, un dossier d’inscription pour  intégrer le collège en fin de CM2, Josiane et Colette ont été  orientées en classe de transition. Dans les années 70, même si leur enfant était doué pour les études, certaines familles de mineur faisaient le choix de l’école ménagère pour leur fille, une école ménagère intéressante, mais qui débouchait sur des perspectives d’avenir plus restreintes.

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Je revois alors la scène qui a en partie décidé de ma destinée à l’issue du CM2. Je suis assise, seule, dans la classe, trop loin pour entendre ce qu’elles se racontent. Mais ma mère discute avec intensité avec mon institutrice. Je l’ai encore dans les yeux, le visage de maman, perplexe, devant la maîtresse qui  argumente. Mme C. tient bon me semble-t-il ! Même si je ne suis pas une élève brillante, j’aime l’école a-t-elle répété. Elle insiste pour que j’entre au Collège. Maman s’est laissé convaincre.

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Je réalise alors que grâce à Mme C., je ne suis pas du groupe qui attend le bus.   J’ai la chance d’être encore dans le monde insouciant des études et des copains. Josiane et Colette, elles, sont déjà dans le monde du travail et des adultes.

Je recroise parfois Colette et Josiane, toujours dans les mêmes circonstances, mais la gêne que j’éprouve a transformé mes grands signes de bras en un sourire un peu forcé.

                                                                       Martine Dreux-Callens, petite-fille de mineur

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Date de création : 10/12/2020 12:52
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Enfants de mineurs
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Réactions à cet article

Réaction n°1 

par llk le 14/12/2020 16:28

ETANT UNE FILLE DE MINEUR UNE ECOLE MENAGERE PRES DE LA MAISON. IL N ETAIT PAS QUESTION D ALLER TRAVAILLERR EN USINE