Avant-propos

AVANT-PROPOS

Nous avons rencontré, Jean-Louis HUOT et moi-même, plusieurs fois Maurice DUPONT chez lui à LENS ; c’est un ancien Mineur qui a eu un parcours professionnel absolument remarquable. Jeté dans l’enfer de la fosse dès l’âge de 14 ans comme tant d’autres, il a tout de suite perçu qu’une carrière normale (galibot, abatteur, silicose, travail au jour) lui ferait subir le même sort que son papa prématurément disparu à 49 ans.

Obsédé par le souci d’en sortir tout en conservant le Statut du Mineur gagné de haute lutte par les Anciens en 1946 (l’année de ses débuts), il n’a cessé de ‘’bûcher’’ et de fréquenter les cours du soir pour apprendre l’électricité et la mécanique au point d’être remarqué un jour par ses supérieurs pour ses expertises très pertinentes concernant les nouveaux dispositifs modernes d’abattage du charbon.

Une nouvelle vie commença alors pour celui qui n’était qu’un ‘’matricule’’ au départ puis un ‘’simple nom’’ et qu’on appela désormais ‘’Monsieur DUPONT’’ à la Direction Générale de DOUAI. Son poste d’expert itinérant qui consistait à visiter les chantiers d’exploitation du fond, à capitaliser les bonnes idées et à essayer de les adapter là où se posaient des problèmes similaires l’aura dès lors passionné jusqu’au bout.

Il s’est décidé à rédiger quelques pages que nous publions ici quand il a lu un jour dans la Voix du Nord un ancien Délégué qui avait commencé sa carrière en 1963 parler de son métier de Mineur comme d’un sacerdoce. Selon lui et contrairement aux témoignages des Anciens, tout le monde semblait s’épanouir au fond, ce qui était loin d’être le cas, surtout pendant la Bataille du Charbon.

Vous trouverez dans cet article une description très précise des tâches des galibots qui nous a semblé vraiment originale, les termes sont crus mais les phrases tellement sincères ! ‘’Commincher al fosse comme bouche-trou en 1946’’ était tout sauf une sinécure… Comment certains cadres (porions, chefs-porions, ingénieurs) ont-ils pu humilier ainsi des gamins encore chétifs de 14 ans qui auraient pu être leurs fils ?

Tout le temps que le charbon était le fer de lance indispensable de l’industrie, il n’y a eu aucune humanité dans les fosses ; il fallait produire, toujours produire davantage pour faire des bénéfices, obéir et se tuer à la tâche sans réfléchir. L’encadrement était sous pression continuellement et il fallait pousser les hommes au maximum de leurs possibilités au risque de leur faire perdre leur santé.

Dès lors que le pétrole et l’énergie nucléaire ont commencé à progressivement supplanter le charbon, l’exploitation est devenue déficitaire et la fin inexorable. La Mine est alors devenue un peu plus humaine, il fallait terminer honorablement deux siècles et demi de production infernale. Maurice DUPONT qui a côtoyé à la fin de sa carrière les responsables les plus gradés des HBNPC nous assure qu’ils n’étaient pas tous des ‘’négriers’’ comme leurs collègues du temps des Compagnies ou à la Libération, il y avait quelques chefs qui étaient vraiment humains et qui respectaient leurs hommes (le dernier chef d’établissement du siège 10 d’OIGNIES, Michel DOLIGEZ, en est le meilleur exemple).

On peut écouter Maurice pendant des heures, il n’arrête jamais de parler des machines, de faire des schémas de rabots ou de convoyeurs et de raconter quelques blagues du fond. Pas très loin, Marie-Thérèse, la femme de sa vie qui a déjà tout entendu des dizaines de fois, écoute encore ; elle est adorable de simplicité, de retenue et de gentillesse. Souhaitons-leur encore de nombreuses années de parfaite complicité.

Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM


Date de création : 06/12/2016 08:09
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Mineurs-Maurice Dupont
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Réactions à cet article

Réaction n°1 

par Riff62 le 06/12/2016 18:36
BRAVO pour ce témoignage poignant qui remettra les "pendules à l'heure".