Premier match à Bollaert

PREMIER MATCH A BOLLAERT (Dimanche 5 avril 1964)

Le foot à Lens, c’est un peu une religion, ça vient de loin…. Quand j’étais gosse, c’était bien avant le football-fric, ma chambre était tapissée des photos des équipes de 1ère division : le RC Lens, bien sûr, mais aussi le LOSC, l’USVA, St Etienne ou Monaco. Ma passion dépassait les frontières ; le Réal Madrid, le FC Barcelone, Benfica Lisbonne ou le Santos, club du roi Pelé, étaient aussi affichés au dessus de mon lit. J’attendais avec impatience chaque mois la sortie du Miroir du Football pour agrandir ma collection, au grand dam de Maman qui trouvait que ça faisait vraiment fouillis sur la tapisserie.

Mon père avait joué à l’US Auchel, champion de France amateur (CFA) en 1946 et en 1963/1964, deux de mes cousins étaient titulaires dans l’équipe qui évoluait en Division d’Honneur. Quant à moi, minime, j’étais très fier de défendre les couleurs blanc et noir du club. Mais aller voir un match à Bollaert était impensable ! Pourtant…

Je me souviens, j’avais 11 ans. Mon oncle Dzislas, prononcez "Dzichou" en polonais, venait d’ouvrir une boucherie à Divion-La Clarence. Le 1er avril 1964 vers 19 heures, il est venu tout sourire à la maison nous inviter, Papa et moi, pour aller voir à Bollaert le match Lens-St Etienne du dimanche suivant. Les Verts étaient alors premiers du classement, Lens troisième. Dzislas voulait ainsi remercier mon père Papa qui l’avait aidé à s’installer dans la nouvelle boucherie.

  • Dis, Wuja -comprenez "mon oncle", c’est pas un poisson d’avril, hein ?

J’avais assisté à des rencontres de CFA et de Division d’Honneur à Auchel mais jamais à un match entre équipes professionnelles. C’est maman qui devait décider si oui ou non je serai de la partie. Comme elle venait de recevoir un bon bulletin scolaire du collège, elle a accepté que j’accompagne les deux hommes. D’après Nord-Matin, vingt mille spectateurs étaient attendus.

Les leaders stéphanois dominaient le championnat mais c’est le RC Lens qui me faisait rêver. Je peux reconstituer de mémoire l’équipe : Georges LECH, Ahmed OUDJANI, Jean DELOFFRE et Richard KRAWCZYK, dit "Zébulon", etc…. Lens possédait la meilleure attaque de 1ère division cette année-là. Ils marqueront 71 buts au final, OUDJANI sera le meilleur buteur du championnat avec 30 réalisations contre 18 à DELOFFRE. Pendant les trois jours précédant le match, j’ai vécu la rencontre une centaine de fois dans ma tête et les Sang et Or ont toujours gagné.

Le dimanche venu, j’attendais avec impatience la 403 commerciale de mon oncle décorée aux couleurs sang et or. J’étais aux anges ! La suite allait me donner encore plus de bonheur même si, partis pourtant très en avance, nous avons eu du mal à trouver une place dans la tribune des secondes tant elle était "bourrée" de supporters. Tout en haut, au dernier rang, j’ai sautillé sur place pendant 1h 30 pour entrevoir quelques bribes du match, je n’ai pas vu grand chose car je ne mesurais que 1,40 m... Mais je sens encore l’odeur de la fumée de cigarette blonde qui envahissait la tribune, j’entends encore le bruit des fanfares et des grosses caisses, j’ai encore les couleurs sang et or des écharpes et des bérets dans les yeux.

Ce fut un après-midi de rêve. Les Lensois ont gagné 4-2 après avoir été menés 1-2 à 10 minutes de la fin. Les buts ont été inscrits par Guy SÉNAC (17ème, 80ème), Georges LECH (85ème) et Michel VAN HOLME (89ème). Les 22 874 spectateurs étaient ravis. La fanfare a encore joué très longtemps après la fin de la rencontre pour fêter la victoire des Sang et Or sur le leader. C’est quand même St Etienne qui devint champion de France le mois suivant.

Notre retour fut des plus joyeux. Papa et Wuja ont décortiqué en long et en large les phases qui ont amené les buts pendant tout le trajet. A la maison, nous avons dévoré le placek que maman avait préparé pour l’occasion. Les hommes ont bu force cafés-bistouille. Le lendemain, dans ma classe de sixième, j’étais le roi ! A tous mes copains j’ai raconté en détail un match et des buts que je n’avais pas vraiment vus… Lens avait gagné. Le reste n’avait pas beaucoup d’importance !

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Les vainqueurs de ST ÉTIENNE (Photo site RC Lens)

En haut, de gauche à droite :
Bernard PLACZEK (cap) – René SILLOU – Louis POLONIA – Enzo ZAMPARINI – Marcelin DOBAT – Marc BOURRIER

En bas, de gauche à droite :
Michel VAN HOLME – Georges LECH – Jean DELOFFRE – Guy SÉNAC – Richard KRAWCZYK

(Ahmed OUDJANI blessé ne jouait pas).

Georges TYRAKOWSKI

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Le stade avec une seule tribune, à l'époque

La ferveur des supporters lensois

Photos Col "Le lensois Normand" http://lelensoisnormand.unblog.fr

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Date de création : 20/01/2016 19:59
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Enfants de mineurs
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Réactions à cet article

Réaction n°1 

par DUHOUX le 18/02/2016 14:13
Bravo pour cet article. A cette époque, on disait qu'on allait 'au match' car aller au match, ce ne pouvait être qu'à Bollaert voir jouer NOS Sang et Or. J'ai aussi plein de souvenirs de ce stade où nous étions toujours en 'populaires', des places debout derrière les buts avec des gradins en terre battue et non couvertes, bien sur.