Pierre Bachelet

Au 6 (Mines de Courrières),  j'ai remplacé mon père chef électricien au jour pendant et après la guerre (seconde guerre mondiale) .....J'y suis arrivé quand on modernisait la fosse comme si on allait extraire des diamants Avant je travaillais aux ateliers centraux de Billy, dans les ateliers les uns après les autres. Je n'avais pas 20 ans. Je suis né en 1929.

Je n'étais pas mineur de fond mais je travaillais au jour, aux ateliers centraux,à l' "carpinterie" l'ajustage puis "aux wagons' à la "barouterie" au bobinage, puis à la fosse 6, enfin au rivage charbon.. et ce jusqu'en 1960..........où du jour au lendemain je fus "bombardé" Directeur d' école ! ! ! dans un petit village exactement le même que Clochemerle.......avec mon épouse qui auparavant, était secrétaire du Directeur de la Caisse de Secours à Hénin Liètard.

Avant 1960. Les abouts.
Les abouts avaient leur atelier au jour à proximité du puits sous le moulinage. Leur rôle était de descendre les pièces très lourdes au fond, les chevaux, de changer les pièces de cuvelage en azobé bois très dur de densité supérieure à l'eau De colmater "les pichettes", des fuites d"où l'eau jaillissait à travers le puits..Enfin les travaux à effectuer dans le puits même pendant l'arrêt de l'extraction  le dimanche ou les jours fériés. C'étaient de solides gaillards. Nous on les surnommait "L'équipe à riper l'solèle".

Les abouts sont des techniciens. Ils sont à la fois mécaniciens, électriciens, charpentiers,  maçons... Le porion qui les encadre est aboutier.
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Les abouts n'étaient pas des électriciens, des mécaniciens,charpentiers de métier etc....mais des gros "bricoleux" qui n'entretenaient que le puits ou descendaient des objets très lourds ou encombrants dans ou sous la cage.
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Les câbles porteurs des cages de transport du personnel et du matériel ou des skips remontant la production sont en perpétuel mouvement et sont soumis à des contraintes plus importantes. Ils sont changés à période régulière ou lorsqu'ils atteignent un certain tonnage de charbon extrait : environ 5 millions de tonnes, soit 30 mois d'exploitation. Les plus gros travaux réalisés par les abouts restent les changements de câbles, toujours effectués durant le week-end à raison d'un seul câble changé par week-end
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FAUX. Je n"ai jamais entendu dire que les câbles avalent été changés. Plus de 500 mètres de câble en acier de la grosseur d'un poignet doivent peser très lourds et relèvent des "coulisses de l'exploit". Je ne sais pas comment ils ont été installés à l'origine.
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Pour faire leurs travaux ils sont placés sur le toit de la cage ou dans un cuffat
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Exact, pour travailler sur le toit de la cage ils mettaient des ceintures en cuir genre "maousse costaud".  quant aux cuffats ils étaient suspendus sous la cage.
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A l'accrochage, au fond, se trouvent les pompes qui refoulent les eaux d'infiltration  à la surface. Ces moteurs étaient alimentés en 3000 volts.Quand il fallait descendre un câble électrique c'était tout un programme. Le câble électrique gros comme le poignet , renfermant les trois conducteurs en cuivre super isolés, entourés d'une espèce de tube en plomb et une super protection extérieure étaient très lourds. Mon père ,chef d'équipe en avait descendu un en prenant mille précautions sans problème.Le câble électrique était amarré du haut en bas sur un câble en acier par des clames en fer faites sur mesure.

Pompes de refoulement au fond.
.       Elles étaient alimentées sous 3000 volts via une cabine grillagée dans laquelle se trouvait le disjoncteur à bain d'huile. C'est nous qui en assurions l"entretien. Un jour mon père est descendu au fond au sujet d'un problème. Il ouvre la cabine et demande au gardien de la pompe ce qui ne va pas.
.    " J'ai vu de l'finquère d'extricité...
.    - Où ? demande mon père..
.    - Ichi répond notre homme en avançant le doigt vers une barre sous tension....
.   C'est alors qu'est sortie une étincelle entre la barre et le doigt du bonhomme qui s'est retrouvé sur le cul. Il était sonné mais heureusement,il n'avait rien, il aurait pu être gravement brulé ou ...cuit. Dans ces cas la, la chair, cuite,  ne guérit jamais.
.   Mon père était mort de rire en racontant cette histoire.
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Un jour il a fallu changer ce câble électrique sous la responsabilité de l'ingénieur électricien du 6. Mon père n'était plus chef électricien du 6 il  avait été  promu chef de l'équipe volante .....c"est donc l'ingénieur en question qui a pris la direction des opérations......plus question d"amarrer l'objet sur un câble en acier. Les 500 mètres de câble électrique étaient enroulés sur un énorme touret en bois plus haut qu'un homme, touret traversé par un axe en fer  posé sur des espèces de tréteaux..Et c'est parti comme en 14, le câble fut  descendu lentement ..... mais la partie suspendue prenant de plus en plus de poids, impossible de freiner le touret qui s'est mis à tourner dans tous les sens en libérant le fameux câble dans une sarabande effrénée, et ce  dans la panique générale......Sauve qui peut ! ! ! Par miracle personne ne fut blessé.....le câble descendu à vitesse grand V était détruit.

Les boutefeux.
.      les explosions se produisaient les unes après les autres, pour que le boutefeux soit certain que toutes avaient bien eu lieu. Les détonateurs avaient des retards différents, les fils avaient des couleurs différentes du plus bel effet. Récupérés, ils servaient à faire des jolis scoubidous.
.      Toutes les semaines j'étais chargé de tester "les exploseurs" à la lampisterie. Je ne sais plus s'ils étaient identiques à ceux que l'on voit sur l'image. Ceux que je devais contrôler avait un ressort sans doute un spirale, qu'il fallait remonter en tournant une poignée puis,  déclenchés ils allumaient  brièvement une ampoule que je branchais aux bornes de l'appareil.

Le boiseur.
.  Boisage;    Après la guerre les jeunes mineurs apprenaient à boiser dans une mine image qui se trouvait à l'entrée du stade Paul Guerre à Billy Montigny. Le boisage se faisait encore à l'époque avec des "bos", des " biles", des "queues" en sapin qui se travaillaient bien à la hache. Les "biles" plantées verticalement dans des "potias" des trous  creusés dans le "daine" le sol, soutenaient horizontalement et en travers la galerie une bile destinée à soutenir " l'tot"..l'plafond. Des "queues", de taille  plus petite placées en travers les biles maintenaient le terrain.
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. Mesure:    Le mineur n'a pas de mètre. Pour mesurer il se servait de ses mains....Une "pougnie d'pouche"....poing fermé pouce en l"air était  l' unité de mesure principale complétée par des sous multiples,les "dogts" placés horizontalement.
Exemple;   "deux ou tros pougnies d'pouches et trois ou quate dogts pour déterminer une certaine longueur."
Par le suite les "bos" furent remplacés par des étançons en fer.
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Foudroyage" Le charbon se présente sous forme de veines allant de 50 cm à plusieurs mètres. Quand la veine était  épuisée, elle était remblayée avec du schiste avant que les "bos" soient récupérés......par soucis d'économie, les galeries épuisées n'étaient plus remblayées ( à cause de la rapacité patronale MDR)  et l"effondrement des galeries provoquaient  des fissures dans les maisons qui se trouvaient 500 mètres au dessus. Au jour il y avait un "service affaissement " pour réparer ces maisons.
La scie est tout simplement une scie de jardinier
L"méneux d'bidet,  ne pas confondre avec le carrieux d'carbon du jour.

.      Ma mère avait un frère, Emile , il habitait à Mantes . Un jour, pendant la guerre,  il est convoqué  à la mairie où on lui signifie  qu'il est requis  pour le S.T.O   Service Travail Obligatoire en Allemagne, en le menaçant d'emmener son jeune frère à sa place s'il refusait. D'Allemagne il s'est échappé deux fois. La première fois; le contrôleur allemand l'a déniché, caché sous la banquette du wagon. Il s'est retrouvé en prison avec des civils allemands. La seconde fut la bonne mais il ne pouvait pas retourner chez lui, à Mantes, il est venu se réfugier  sous un faux nom à Billy , dans la maison de son beau frère, Henri , qui, lui, a passé toute la guerre dans un stalag comme  prisonnier de guerre.
Vous suivez.? ?
.       Voici mon oncle Emile, dans les mines sous un faux nom, embauché aux mines,au fond comme..... "Méneux d'bidet"....  j'en entendais souvent parler des bidets.
.       Les chevaux étaient très bien traités, bien nourris,  dans des écuries bien entretenues,aussi bien au jour qu'au fond. Ils  ont leur caractère les bidets. Il y a les paresseux et les courageux, "les bons" d'où l'expression "Quand qu'i n'd'a un d'bon ch'est toudis li qui broute"......(.qu'on attèle de préférence pour travailler.)
.       Le mineur n'a pas le droit de fumer au fond, il chique,  s'il prenait l'habitude de commencer sa journée en donnant sa chique à son cheval.....le jour où il ne  l'avait pas, sa chique, le bidet  ne voulait pas "saquer".....(travailler)
.       Ce n'est pas vrai qu'ils étaient aveugles, ils ne voyaient pas plus clair que les hommes mais connaissaient "la route". .
.       Mon oncle racontait que s'il mettait habituellement 10 berlines, par exemple, le cheval les tirait, s'il en mettait une douzaine, le cheval semblait les compter par les "toc" que faisaient les chaines en se tendant.et.......s'arrêtait après la dixième secousses comme s'il les comptait.
.       Par expérience mon oncle  tendait un rondin entre les dernières berlines pour "masquer" les dernières secousses et......son cheval tirait le tout..sans s'en apercevoir, ce qui amusait beaucoup, mon oncle..
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........Un vétérinaire venait les soigner quand ils avaient un problème...(les chevaux bien sûr ! ! !  MDR)
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........ Pendant les grèves les chevaux  étaient remontés "au jour".
L'carrieux d'carbon. Mon oncle Henri et son éternel sourire.
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.          Revenu d'Allemagne où il est resté en captivité pendant toute la guerre, mon oncle Henri a repris le travail comme carrieux d'carbon..C'était sa vie.(l'oncle Emile méneux d'bidet occasionnel est rentré dans la région parisienne)
Dans son tombereau, séparés par des planches se trouvaient des lots de charbon qu'il déversait devant les habitations des ouvriers. Un SDF proposait avait pour habitude de suivre le tombereau et d'offrir  ses services pour rentrer le charbon contre un peu d'sous, un casse croûte.....
Cette photo fut prise dans la cité du 10 en juillet 1962.
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Au 2, il y avait un autre carrieux d'carbon. Il n'était pas rare de voir revenir le cheval tout seul à l'écurie, l'bonhomme complètement pompette endormi au fond du tombereau. MDR. Vous voyez que les bidets connaissent la route.

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Alimentation électrique du puits N° 6



.   L'atelier des électriciens , se   trouvait en bas à droite de ce bâtiments appelé 'Le Poste".". Au dessus se trouvait le bureau  "du gardien de poste" et le central téléphonique.
.     Le courant électrique parvenait sous une tension de 15.000 volts par deux feeders alternativement en service.  Le courant était envoyé via des sectionneurs et des disjoncteurs à bain d'huile  sur les transformateurs 15000/3000 volts se trouvant à l'extérieur dans les emplacements que l'on distingue sur la photo, puis sur un transfo 3000/220.380. volts pour la basse tension.
"Faire une manœuvre" consistait ,pour le gardien de poste à mettre les deux feeders en parallèle avant de "couper' celui en service. Si le gardien de poste avait le malheur d' ouvrir les sectionneurs, des couteaux, avant de mettre les deux feeders en parallèle, il coupait toute l'alimentation du puits et roulait par terre dans une formidable étincelle (c'est arrivé).....

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.............................La photo est antérieure à celle d'Andredemarles....le bureau du chef de carreau ne figure pas, on dirait que les transfos sont absents ?)
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Derrière, on distingue la passerelle couverte par laquelle était envoyé le charbon au moyen de toiles transporteuses au point de chargement des wagons.
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Point de chargement.
.      Par toiles transporteuses le charbon arrivait à ce point de chargement où un ouvrier remplissait des wagons soit de 10 tonnes ou de 60 tonnes pour les plus gros. Ces derniers avait un gabarit maximum permettant leur passage  sous les ponts. Un ouvrier plaçait sur chaque wagon  dans un emplacement prévu à cet effet, sous une porte grillagée, ce que l'on appelait une "étiquette" sur laquelle était inscrite la destination de chaque  wagon. Les wagons étaient ensuite dirigés vers un triage où ils étaient rassemblés suivant leur destination.

Le service téléphonique.


.      Le gardien de poste était chargé de transmettre les communications avec des fiches comme en 14/ 18. Le matériel datait d'avant guerre.
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.      Les ouvriers chargés de l'entretien du service téléphonique devaient procéder régulièrement  au remplacement des piles qui alimentaient les téléphones (à l'époque avant 1960)...je dis bien les piles.
.      Les piles étaient constituées de gros bocaux en verre avec charbon et zinc baignant dans de l'acide sulfurique dilué avec de l'eau à 18 degrés Baumé si mes souvenirs sont  exacts....
.     J'ai donc appris que pour diluer l'acide pur, il faut verser l'acide dans l'eau et non l'inverse si l'on ne veut pas recevoir de projections dans la figure.
.     En plus pendant la guerre je voyais mon père reconstituer des piles de 4,5 volts après avoir récupéré le petit sac en charbon qui lui ne s'use pas..Pour gélifier le bioxyde de manganèse qu'il utilisait, il m'envoyait acheter de l'agar agar chez l'herboriste......si bien que....
.     Devenu instituteur, avec des bocaux à confitures, des morceaux de zinc récupérés sur des gouttières , des buvards en guise d' isolant, des charbons de piles usées, du vinaigre, des fils électriques et des pinces crocodile, je bricolais une pile de 9 volts en classe. J'enlevais les piles du poste à transistor, je poussais le volume à fond, ce qui fait que lorsque je branchais ma pile "au vinaigre", le poste se mettait à hurler à fond dans la classe.. Gros succès assuré..on en parlait dans les chaumières...MDR....

Bâtiment des compresseurs

Pierre Bachelet, ancien mineur de fond pour l'APPHIM


Date de création : 26/01/2014 14:38
Dernière modification : 06/02/2014 13:27
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Mineurs
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