Jean-Marie BERNARD, un mineur engagé

Jean-Marie Bernard, un mineur engagé

Jean-Marie, né le 23 mai 1939, est fils d’un ouvrier-mineur chargé de l’entretien à la surface et petit-fils d’un grand-père mineur à la Fosse 8 des Mines de Courrières à Courrières. Issu du monde minier, Jean-Marie ne se destinait pas forcément à la mine mais son désintéressement pour les études en a décidé autrement surtout que pour sa maman, dans le bâtiment - autre orientation possible à l’époque - « ils boivent beaucoup ». A 14 ans et 9 mois, après l’obligation scolaire de l’époque, malgré le fait que le recrutement ne se faisait pas avant 15 ans, le jeune Jean-Marie se retrouve au triage du 21/22 de Harnes. Le 29 janvier 1954, dans un froid glacial, Jean-Marie se retrouve dans le grand bâtiment du triage où contrairement à ce que l’on s’imagine, il n’y avait plus de femme. En effet, depuis la catastrophe de Sallaumines en 1948, où deux trieuses avaient perdu la vie, les femmes ont progressivement disparu de ce lieu qui leur était auparavant destiné. Seuls les galibots, sous la surveillance d’un « réformé du fond », mineur plus apte à descendre, doivent trier les cailloux au bord d’une table à secousses. Mais quand les schistes sont trop gros, il faut arrêter la table et casser les cailloux. Bien sûr, parfois, entre les cailloux, les galibots retrouvent les excréments de leurs copains du fond. Mais Jean-Marie n’en garde pas un « mauvais » souvenir en précisant qu’au fond « il n’y a pas de toilettes, on ne pouvait pas faire autrement que de s’isoler dans une berline ».

jeanmarie02.jpg

Fosse 21/22 de Harnes où Jean-Marie a commencé sa carrière

Après deux années au triage, c’est la première descente en 1956. L’apprentissage au fond se fait en alternance avec une formation en mine-image à Fouquières-Les-Lens pour apprendre le métier de mineur de fond. Après différents postes (conducteur de treuil par exemple), il est formé à l’abattage et devient aide-mineur. Durant deux ou trois ans, Jean-Marie apprend le boisage, le maniement des étançons, le montage et démontage des blindés … puis l’utilisation des rabots et haveuses. Il occupe donc le poste d’abatteur jusqu’à l’armée. A son retour, il est affecté au poste de serveur de bowettes rapides mais Jean-Marie profite aussi pour prendre des cours du soir payés par les Houillères. Ces cours seront précieux pour lui car il sera, du coup, plus érudits que la plupart de ses camarades. Il est alors affecté à l’abattage dans des chantiers spéciaux et il y reste jusqu’en 1966 après avoir fait l’école des cadres.

La fosse 23 et son centre de formation

En 1963, il doit rentrer au centre de formation de la Fosse 23 de Noyelles-sous-Lens mais la grève éclate et retarde sa formation d’agent de maîtrise. Il décide donc de participer à l’élan de générosité collectif et aide les familles dans le besoin. Quand sa formation est enfin ouverte, il refuse d’y participer en soutien avec les grévistes. Il s’engage alors dans l’action syndicale au sein de la CFTC et sera affecté à la Fosse 24 d’Estevelles où il s’occupe de la section syndicale du site. En outre, il occupe désormais le poste de chef de taille. Jean-Marie se souvient très bien de l’Avenue de la Fosse 24, à Estevelles, remplie par les autobus qui charriaient les mineurs. Lui, qui ne prenait pas l’autobus et qui habitait proche de la Fosse, était dans les derniers pour finir les travaux et préparer le poste suivant !

Les grèves de 1963

Le destin et la chance ont changé la vie professionnelle de Jean-Marie. En effet, il se retrouve piégé sous un éboulement dont il sort, par miracle, indemne mais il ne veut plus descendre par peur. Heureusement, il voit une affiche de recrutement des HBNPC pour des postes d’électromécaniciens. Dès le lundi suivant, il part en formation : 6 mois théoriques puis des stages par période de 15 jours dans différents sièges du Groupe d’exploitation. Malgré tout, il est encore victime d’un éboulement de soutènement et s’en sort encore indemne !

Machiniste d'extraction, son dernier emploi

Son CAP d’électro est validé en 1968 mais il s’engage de plus en plus dans l’action syndicale en étant élu délégué-mineur de 1976 à 1980. En 1973, il ne pourra plus descendre au fond car il est reconnu silicosé. Il est encore assigné à la sous-station au fond puis gestionnaire de service comme électro au 4/5 Sud de Méricourt pendant 1 an. Or ce siège arrive en fin de servie, il donc envoyé au 3 de Méricourt pour se former au poste de machiniste d’extraction. C’est à cette époque que l’on commence à exploiter le stot de protection du puits or le machiniste du puits 15 part en retraite. Jean-Marie le remplace au pied levé. Parallèlement, il devient secrétaire départemental du syndicat et est élu au Conseil d’Administration des HBNPC. Après une vie professionnelle bien remplie et surtout hors-normes, il prend une retraite bien méritée en 1989.

Jean-Marie Bernard et Jean-Louis HUOT en 2023 à Courrières

Professionnellement, Jean-Marie n’a plus d’obligations mais il continue activement de participer à la vie de la CFTC Mines en accompagnant les reconversions des jeunes mineurs ainsi que la gestion des droits pour les veuves de mineurs. Il profite d’une retraite bien chargée aux côtés de sa femme en restant engagé dans diverses associations courriéroises.

Jean-Louis HUOT pour l’APPHIM sous la vigilance de Jean-Marie Bernard, ancien mineur

Mots-clés associés

Date de création : 14/12/2022 16:37
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Rencontres
Page lue 2565 fois