Jean Kubatko

Jean KUBATKO : De la mine au pinceau

Je voulais depuis bien longtemps faire le récit de la vie de Jean KUBATKO, ancien mineur avec qui je partage la passion de la peinture.

kubatko01.jpg

Jean est né le 10 août 1937 à BILLY-MONTIGNY (62) derrière l'ancien cinéma Eden. Il est d'origine tchèque par son grand-père et polonaise du côté de sa grand-mère (NOWAK) qui sont venus en France en 1923 pour être embauchés dans les Mines. Le grand-père qui travaillait à la centrale de COURRIÈRES (62) décédera malheureusement en 1941 suite à une maladie professionnelle.

Le père de Jean, Rodolphe, est né à DUBRAVA en Tchécoslovaquie en 1917 tout comme son oncle, Vladyslas, né en 1922. Il s'est marié en 1936 avec une allemande née en 1914 d'origine polonaise (famille KOWALSKI travaillant dans les mines de la Ruhr).

Rodolphe a travaillé comme abatteur à la fosse 10 de BILLY-MONTIGNY. Il est décédé silicosé le 12 juillet 1968 à 51 ans à la suite d'un cancer. Son frère, Vladyslas, célibataire, a connu le même sort à 49 ans après avoir subi l’ablation de deux lobes de poumon ; il a fait toute sa carrière à la fosse 6 de FOUQUIÈRES-LEZ-LENS (62) comme abatteur également puis comme conducteur de locos.

Fosse 4 de Sallaumines

Jean, quant à lui, obtient son certificat d'études à 14 ans, premier de la promotion ; il conserve précieusement le dictionnaire qui lui a été offert à cette occasion. Il effectue deux années au lycée d'HÉNIN-LIÉTARD (62) pour devenir ajusteur. Le 20 octobre 1953, il est embauché à la fosse 4 de SALLAUMINES (62) en tant que galibot jusqu'à l'âge de 18 ans. Il passe alors en taille-école et apprend le métier de mineur (abattage du charbon avec le marteau piqueur à air comprimé, boisage, règles de sécurité, …). Les jeunes ouvriers étaient encadrés par des ''anciens'' proches de la retraite qui les initiaient à toutes les tâches de base (soutènement, manutention des engins...).

A la suite de cette formation de six mois, il est intégré à une équipe d’abatteurs chevronnés. Il effectue alors son service militaire du 2 mars 1958 au 5ème Régiment d’Infanterie à BLOIS durant cinq mois (service réduit pour cause de bataille du charbon). A son retour, il devient ouvrier-abatteur avant d’être nommé chef de taille.

Jean se marie le 1er juin 1957 avec Cécilia TASIEMSKI née à HOUDAIN (62). Le père de la demoiselle mutait les mineurs de BRUAY-EN-ARTOIS sur le secteur de COURRIÈRES. Leur premier enfant, Jean-Claude, est né le 11 août 1958 à MÉRICOURT-SOUS-LENS (62) ; il est aujourd’hui directeur d'exploitation sur AMIENS. Suit Patrick, né le 1er avril 1961, il est directeur de sucrerie à ROYE (60). ''Mes deux fils ont tous deux commencé en bas de l'échelle'' souligne Jean avec une certaine fierté. La cadette Sylvie est née le 27 novembre 1973, elle est avocate sur LILLE.

Fosse 3 de Méricourt avant modernisation

À la fermeture de la fosse 4 en 1954, Jean est muté à la fosse 3. Il postule pour devenir porion mais après un passage à la radiographie, on lui découvre de la silicose, ce qui l'empêche de prétendre à ce nouveau poste. Pendant trois ans, il travaille à BILLY-MONTIGNY avec les géologues et il doit constater les découvertes suite aux sondages au fond. Il travaille ainsi jusqu'au 4 avril 1970, c’était une époque où on parlait alors de reconversion. Il quitte le système minier pour travailler du 6 avril 1970 au 31 janvier 1988 chez Poclain qui est devenu Case. Après une période de chômage du 01/02/1988 au 01/11/1989, il réussit à entrer à la NCIA à ANNEZIN (62) où il travaille jusqu'au 31/01/1994. Licencié, il perçoit les indemnités Assedic jusqu'en 1997, date de son départ en retraite.

Fosse 3 après modernisation

Jean ne regrette pas d'avoir quitté les Houillères ; s’il y était resté, il est convaincu qu’il ne serait plus de ce monde aujourd'hui car il est silicosé (5% reconnus en 1994 puis 20% en 2013).

Jean se souvient avec émotion de la catastrophe du 4 février 1970 du siège 6/14 de FOUQUIÈRES-LEZ-LENS qui a fait 16 morts. Il était sur les lieux pour constater l'état du chantier après l'explosion. La veine de charbon était littéralement cokéfiée tellement la chaleur avait été intense, la taille ressemblait à un paysage lunaire.

Jean précise qu’il a connu les derniers chevaux au fond, les lampes à flamme avant l'arrivée des lampes électriques au chapeau. En taille-école, le soutènement était encore en bois. Jean revit encore le fonctionnement des tailles, des rabots et des haveuses en service au siège 3/15 de MÉRICOURT. Il explique la difficulté des montages surtout quand la veine passait de 1,20m à 2m. Il fallait ''boucher le trou'' avant de recevoir les étançons adaptés ; pendant ce laps de temps, le risque que tout s'effondre était omniprésent.

Depuis très longtemps, Jean était intéressé par le dessin et c'est sous l'impulsion de sa fille qu'il rejoint le Groupe Jules et Emile Breton le 1er mars 1998. Aidé dans son art par les anciens, il devient Secrétaire de l’association en 2004 puis Président en 2010. Jean tient à souligner que les 28 adhérents se retrouvent tous les mardis après-midi de 14h à 17h au Centre Culturel de de COURRIERES, c’est l’occasion de partager un moment convivial entre passionnés.

Jean-Louis HUOT pour l'APPHIM


Date de création : 03/11/2014 19:12
Catégorie : Livres, récits, témoignages... - Récits-Rencontres
Page lue 10209 fois

Réactions à cet article

Réaction n°1 

par irenedu763 le 14/11/2014 19:48
Merci monsieur HUOT d'avoir relaté aussi fidèlement le parcours de mon grand frère.Je suis la petite sœur.J'ai toujours regretté d'avoir quitté le Pas-de Calais.J'aimais les corons,les terrils  et tous ces gens si chaleureux.Merci à nos parents qui ont eu de l'ambition pour nous.Et Jean continue tes tableaux...