La ducasse
La ducasse
C’est en juillet dans la cité 11 au chemin Manot (devenue rue Léon Blum à Lens) que s’installe pour une semaine la ducasse. Les yeux écarquillés, j’envie, du haut de mes six ans, la vie des forains qui vivent en roulotte et sont à la fête toute l’année. Et leurs enfants ? Ils ne vont sûrement pas à l’école !
Mon manège préféré, c’est Les petits bateaux sur l’eau, le manège des tout-petits qui s’est installé tout à côté de la voie ferrée. Je l’ai vu se construire comme un grand mécano. Les pompiers sont ensuite venus remplir les couloirs d’eau avec leur camion-citerne rouge. Quel beau spectacle ! Mon frère Christian et Jean Pierre, le fils des voisins, ont donné un coup de main aux forains. En retour, ils ont reçu des tickets gratuits qu’ils partagent avec nous.
Les bateaux tournent sur l’eau au son de l’accordéon des ginguettes. Je laisse mes doigts traîner sur la surface de l’eau sans oublier de guetter le pompon à attraper pour gagner un tour de manège gratuit. Plus grande, je choisirai de monter sur un cheval qui monte et qui descend au son de l’orgue de barbarie.
Le dimanche, mon père et ma mère nous accompagnent. Maman ne monte jamais dans les manèges. Mon père monte avec moi dans la chenille, le dernier manège au bout de l’avenue de l’église du 11. Grands frissons garantis ! Avec la vitesse, nous sommes repoussés à l’extrémité de la banquette, papa me maintient fermement. Quand la tenture se déploie au-dessus de nos têtes, j’hurle de joie.
Chaque manège luit comme un trésor. Face aux loteries, on entend des ″Allez, allez, jouez ! Allez, allez, gagnez !’’ Nous arrivons à l’autre extrémité de la ducasse sur le chemin Manot, la musique ne nous a pas quittés. Le bras rassurant de papa m’enserre contre ses épaules dans les autos tamponnantes, il tente d’éviter les chocs brutaux. Des étincelles craquettent au-dessus, sur le grillage métallique. C’est magique !
Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est le stand de tir aux fléchettes. Des nougats enrobés de papier métallisé de toutes couleurs sont alignés sur plusieurs lignes. J’annonce une couleur et papa lance la fléchette. Il atteint un nougat à chaque coup. Il fait l’admiration de tous et je suis fière de lui.
Ce nougat-là a un meilleur goût que tous les autres !
Annick MILBRANDT, Fille de Mineur