Mon cœur fait boum !
C'est mon anniversaire. 4h30 du matin, il fait encore nuit.
C’est tôt mais on s'y fait ! dit mon père quand il m'a proposé d'être galibot. Vite habillé pour ne pas sentir le froid, je descends dans la cuisine. Au milieu des tartines beurrées et des bols de lait fumant, un paquet m'attend. Je souris : Ils n'ont pas oublié. Le paquet a été emballé avec soin. J’y reconnais la patte de ma mère. Tout ce qu'elle entreprend porte la marque de la délicatesse ! J'ai des scrupules à abîmer l’emballage et je décide de ne pas le déchirer. Il pourra servir encore. Rien ne se perd chez nous, tout se recycle !
Un long ruban rouge, une petite carte blanche et, écrits d'une main malhabile, ces quelques mots : « bon anniversaire, Louis ». Je soupèse, ça ne me paraît pas bien lourd.
Le cadeau collé à l’oreille, j'écoute mais c'est le grand silence matinal qui me répond. Il reste à tirer le ruban, défaire le papier soigneusement pour découvrir une boîte noire. Le revêtement est doux comme le velours. C'est un écrin qu’avec mes gros doigts maladroits, j'ouvre avec précaution. Ce que je trouve est de toute beauté : c'est une montre ! Pas n'importe quelle montre ! C’est la montre à clapet de mon père qui la tient lui-même de son grand-père.
Je reconnais la gravure travaillée avec finesse et doigté. On y voit un troupeau de chevaux au galop, fougueux et puissants. Ils incarnent la force et la liberté, l'appartenance à un groupe aussi. Au dos, des fleurs sont délicatement gravées. Elles me rappellent les capucines du jardin de Mémé Célestine.
J'actionne le poussoir. Les aiguilles annoncent 2h30, pile l'heure à laquelle je suis né ! C'est un clin d'œil de mon père, j'en suis sûr. Je remonte lentement la montre, la porte à mon oreille : Tic-tac, elle fonctionne. J'accompagne du regard la trotteuse et contemple le temps qui s'écoule. Brusquement la porte s'ouvre et mon père, fronçant les sourcils, m'apostrophe : Allons, ne gaspille pas ton temps, il est trop précieux pour qu'on le perde à rêvasser ! Au travail !
Le ton est bourru mais ses yeux brillent. Il est heureux. C'est un trésor qu'il m’a offert.
Je le sais déjà d’instinct : quand mon fils descendra pour la première fois dans un puits de mine, pour ne pas qu'il ait peur, je lui léguerai la montre, alors, il ne sera jamais seul.
J’ai encore le temps d’y penser. Ce matin, je fête tout juste mes 14 ans et c’est toute la famille qui me tient la main !
Laurence Vincent, fille de Mineur
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